Urgences sur le Bassin : Quand la notion de « patient » prend tout son sens…

Le coup de plume du week-end : Vous allez aux Urgences sur le Bassin ? Patience…


30/10/17


urgences dessin 2Il suffit parfois d’un banal accident de scooter pour basculer en un instant dans l’univers clos et particulier des urgences hospitalières. Une cour des miracles peuplée de gueules cassés et souffrances en tous genres.


Même si les séries tv américaines nous abreuvent d’images chocs et de situations inspirées du quotidien, la plongée dans la réalité est fascinante. Cette ruche bourdonnante jour et nuit voit rentrer et sortir de pauvres malheureux bien mal en point.


En France ce service public hospitalier est dimensionné au niveau national selon le nombre d’habitants du secteur. Mais sur le bassin c’est sans compter avec l’effet week-end et autres moments de vacances qui pulvérise les compteurs puisque sur le nord comme le sud bassin la population peut être multiplié par quatre ou cinq en 24 heures.

Et puis, pour avoir un arrêt de travail sans avoir à prendre un rendez-vous chez son médecin traitant dans une semaine parce que c’est complet, ou parce que c’est week-end, c’est plus pratique.

Bref, les urgences débordent…


Acte 1 : Départ aux urgences

Le ciel est beau. Le coeur guilleret, sur ton fier destrier à deux roues, tu roules tranquillement. Une voiture te coupe la route. « Et merde… » sera la dernière pensée avant le choc, brutal.

Pompiers, transfert aux urgences…

Te voilà planté sur un brancard à roulettes dans un couloir aéré par de généreux courants d’air en attendant que le ou la médecin urgentiste puisse prendre en compte ta souffrance.


Lorsqu’une « chambre » ou plutôt une pièce d’examen se libère, tu atteins le premier niveau du Graal : un espace plus calme. Enfin relativement calme, car un bip-bip-bip continu de machines que tu ne parviens pas à voir et dont tu ne sais absolument pas à quoi il correspond te vrille les oreilles.

Le personnel soignant, efficace mais très occupé, gère les patients dans un planning à flux tendu, et ne s’attarde guère en mondanité.

Une infirmière vient te prendre ta tension et ton rythme cardiaque.

Le leitmotiv constamment réitéré est simple : le médecin va venir.

Graal inaccessible…


Puis c’est de nouveau l’inconnu. L’attente.

Tu as alors tout loisir pour observer les peintures turquoises, le joli lavabo et le mobilier sommaire de l’endroit. Celles et ceux qui le peuvent en profite pour s’accorder une petite sieste réparatrice pendant que la ruche s’active. D’autres comptent les aller-retours des ambulanciers joviaux

-« La fracture fémur, je te la pose où? … Là? OK. »

Puis, la situation s’accélère. Un brancardier te transporte à la radio. L’attente reprend. Tu as l’air d’un VIP à coté de tous ces gens qui ont pris rendez vous pour etre scanné, radiographié, irm-isé. Tu attends. Tant bien que mal, tu essaies de faire bonne figure devant ce public mal en point. Puis le manipulateur t’embarque, te flashe puis te renvoie aux urgences.


Là, tu apprends que la clavicule est fracturée en deux avec fragments qui se chevauchent, mais rien de vital.

Une longue attente se poursuit encore pendant une heure, et puis tu t’aperçois que l’on t’a oublié dans ton coin.

Excusez moi dis-tu en hélant une blouse blanche qui passe devant la porte… Vous pouvez m’expliquer la suite des opérations?

Mais vous n’êtes pas encore reparti chez vous ?

-Eh bien, c’est à dire que j’attends les radios, et le compte-rendu de sortie.


Re-attente. Un peu plus tard , tu as droit à un bandage, une ordonnance, le compte-rendu et à 21h tu peux rentrer chez toi. Enfin.



Acte2 : Complications imprévues…

Au bout de plusieurs jours pendant lesquels tu t’es appliqué à porter un instrument de torture dénommé anneaux ou sangles d’immobilisation claviculaire pour redresser tes épaules et ressouder tes os, ton bras a doublé de volume et donc inquiet, tu vas consulter ton médecin.

-Là, ça, ça ne me plaît pas du tout. Vous allez faire un doppler en urgence.


10h : Te revoilà parti pour un examen, et tu espères rentrer chez toi ensuite. Mais au cas où, tu as pris tes précautions avec une tenue plus sportive et un bon livre pour meubler l’inévitable attente que tu pressens déjà.

Au vu du résultat du doppler, la sentence tombe :

Monsieur, vous avez une phlébite au bras, on vous garde aux urgences pour des analyses approfondies.



Acte 3: Retour aux urgences et scanner en maintance

C’est reparti. Tu salues l’infirmière que tu avais déjà rencontré quelques jours avant, et qui d’un sourire compatissant te gratifie d’un :  » Vous revoilà, vous ? » pendant que le brancardier te pose dans le couloir.


11h30 : Alors que tu flottes dans un nuage cotonneux à moitié hypnotisé par le brouhaha environnant, surgit la médecin urgentiste. Celle qui va décider de ton sort pour les heures à venir.

-Vous allez devoir passer un scanner mais c’est aujourd’hui le jour de sa maintenance il faut donc attendre 17h30. Ensuite en fonction des résultats nous aviserons ce qu’il convient de faire.

Et là, dans ton cerveau, tes neurones se connectent et tu réalises finalement que tu vas passer 4h sans pouvoir bouger, ni manger, parce qu’il faut que tu sois à jeun pour l’examen.


Le brancardier revient alors t’emporter dans une autre pièce déjà occupée par un compagnon d’infortune bien mal en point. En le voyant, tu te dis égoïstement que finalement ça peut toujours être pire. Et de nouveau, l’attente reprend.

Plongé dans ton roman que tu avais emporté, bien enfoncé dans l’intrigue, tu commences à entrevoir qui est l’assassin, quand, vers le milieu du livre, le ventre vide et la vessie pleine, le scanner consent à refonctionner.


17h45 : Ton copain le brancardier t’emporte vers la machine qui fait bzzz. « Ne respirez plus » te lance le manipulateur. Tu obtempères pour que l’image soit bonne, et tu attends l’ordre salvateur qui va te permettre de reprendre une goulée d’air frais.

Est-ce parce que le bonhomme était joueur ? Ou peut-être amoureux, son esprit perdu vers sa chérie ?

Mais l’ordre ne vint jamais. Et à moitié asphyxié, les étoiles dans les yeux, il fallut désobéir avant de mourir étouffé.

Le sympathique préposé au manettes était en train de blaguer avec un collègue…


18h45 : Dans ta chambre, le cardiologue fait son apparition. Il te regarde dans les yeux, et t’annonce avec toute la délicatesse possible : « Bon, là, c’est sérieux, vous avez une double embolie pulmonaire. On va vous garder en observation pour 48 heures et vous mettre sous anticoagulants. »

19h : Tu es sous perfusion au cas où…

19h30 : Tu as droit au repas de ton enfance:  jambon purée, yaourt, mais comme tu n’as rien avalé depuis le matin, ce plateau c’est du 4 étoiles NF !



Acte 4 : La nuit aux urgences

Dans ce monde clos, qui s’active jour et nuit, vouloir dormir relève d’une mission improbable, voire impossible.

Dans la pièce, arrive un nouveau compagnon d’infortune, sous perf lui ussi. Les présentations font apparaître un senior sympathique qui prend sa situation avec humour et philosophie : Suspicion d’AVC au cervelet après quelques vertiges.


Dans le couloir, on entend les soupirs de nouveaux patients arrivés en brancard. Ils passeront la nuit là, faute  de place dans l’établissement hospitalier.

Finalement, on se dit qu’on a de la chance… Alors, pour s’extraire mentalement de cet univers angoissant et prendre le dessus sur les corps qui souffrent, la discussion entre voisins de lits s’engagera, pour être ailleurs, jusque tard dans la nuit.



Acte 4 : La libération

6h : Alors que tu  viens enfin de fermer l’oeil, écrasé de fatigue, on vient te prendre ta tension et ta température. Tu apprends que les urgences sont fermées et les patients renvoyés sur Bordeaux.


7h : C’est l’heure du ravitaillement-petit déjeuner. C’est plus les urgences, c’est le grand hôtel du Bassin…

Une nouvelle infirmière nous rend visite :

-Ca va bien? Bon, le medecin urgentiste va venir vous voir

-Vous savez vers quelle heure ?

-Il va venir…


L’hôtel des culs à l’air

Tu poursuis une nouvelle conversation avec ton voisin, tu l’aides à s’attacher la chemise spécial hôpital qui le laisse à moitié nu. Tu sais, celle qui se ferme juste avec un noeud autour du cou et qui te laisse le cul à l’air.

Le milieu hospitalier, c’est La Jenny toute l’année, tu vois la lune en plein jour !

Donc ton nouveau pote, tu l’aides, et il t’aide, parce qu’on voit bien que le personnel médical est débordé. Et qu’avec une perf dans bras c’est pas facile, facile.

Alors, comme à la guerre entre frères d’armes, tu fais ce que tu peux pour rendre la situation la moins inconfortable possible.


Tu n’attends plus rien, ni personne, quand le cardiologue passe te voir et décide de te renvoyer chez toi avec de nouvelles ordonnances et consignes.

11h30 : Après un plantureux repas à base de poisson-endives, le médecin urgentiste confirme ton départ pour l’après-midi. Ton compagnon de chambre a moins de chance, il aura droit à une surveillance complémentaire pendant deux jours de plus.


14h : Dehors, il pleut mais l’air iodé et les essences de pin te procurent un incroyable sentiment de liberté. Le temps est désormais au repos et à la reconstruction.

Il va falloir être … patient !


portrait MichelMichel Lenoir


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