La France d’avant…
Fin des années 50 : Télé du vendredi et bain du samedi….
24/02/25
Ah, la France d’avant! InfoBassin propose aujourd’hui une série d’articles sur l’histoire du temps jadis, sur le Bassin et ailleurs…
Nous démarrons avec le témoignage de Joel Laine, Lantonnais qui passa son enfance dans le Borinage. C’est un peu d’exotisme du pays des Hauts de France, qui évoquera aussi des souvenirs pour les habitants des autres régions…
Michel Lenoir, directeur de publication
TV d’avant: « 36 chandelles », une télé pour tous, tous devant la télé!
Pas d’école le samedi ! Pas de devoirs et leçons pour le lendemain !
La soirée du vendredi se présente sans contraintes… Une odeur de pâtisserie flotte dans la maison lorsque je rentre de l’école. Ma mère a ajusté un tablier sur sa tenue (élégante) « de sortie ». Contrairement à son habitude, mon père n’a pas retiré sa cravate en arrivant du bureau. Quant à moi, je fais l’objet d’une inspection minutieuse qui m’amène (le plus souvent !) à un changement complet de vêtements contre une tenue propre avec consigne de ne pas me resalir.
Le repas est déjà prêt et le couvert dressé : c’est qu’il faut se presser ce soir. La serviette de table coincée dans le col de ma chemise, on me recommande de ne pas « trainer à manger » et de ne pas me tacher.
Le « souper » expédié rapidement, ma mère plonge la vaisselle dans une cuvette d’eau savonneuse et la nettoie d’un geste énergique de la « lavette » puis la passe dans une seconde cuvette d’eau claire pour la rincer. A peine posée sur l’égouttoir, verre ou assiette sont empoignés par mon père qui les sèche d’un élégant mouvement de torchon. Grâce à une parfaite synchronisation l’opération « vaisselle » est effectuée en un tour de main. (la « lavette » est une sorte de petite serpillère changée régulièrement et passée à la lessive avec le « blanc », finalement plus hygiénique que les éponges !).
Le moment de l’exode approchait : recharger la cuisinière en charbon, régler le tirage pour faire durer le feu, amener tout le matériel dans le couloir, vérifier les vêtements et enfiler les manteaux, sans oublier de prendre les clefs…
Une fois la porte ouverte, nous rejoignions la cohorte des voisins motivés, les mères tenant par une main un chapelet d’enfants et de l’autre un plat enveloppé d’un torchon fraîchement sorti du placard. Les pères, bras écartés transportaient autant de chaises que possible, tous transitant dans la même direction : la maison de monsieur et madame Thierry, presque dans l’angle de la rue. Retraité de la SNCF, monsieur Thierry et son épouse cultivaient leur jardin et … les relations avec leurs voisins !
Arrivés devant leur porte largement ouverte, nous abandonnions les chaussures dès l’entrée. Sérieusement chapitré au préalable, je me tenais (comme les autres enfants) aussi silencieux et discret que possible.
La table de leur salle à manger poussée contre un mur, dégageait un espace rapidement occupé par les chaises installées par les hommes. Les femmes, regroupées autour de la table de cuisine, présentaient fièrement leurs dernières œuvres pâtissières.
Enfin, l’œil rivé sur la pendule, il fallait prendre place, les enfants devant, assis par terre, les adultes sur les chaises.
Madame Thierry ôtait cérémonieusement la housse brodée, puis monsieur intervenait : allumage, attente du « chauffage » puis réglage avec de gros boutons de bakélite noire.
La télévision était enfin allumée ! L’émission annoncée allait commencer : « 36 Chandelles » présentée par Jean Nohain!
Nous étions fascinés par ces images en noir et blanc de personnes qui bougeaient, parlaient et chantaient ; plus besoin de recommandations pour rester immobiles.
A l’entracte, les pâtisseries étaient partagées et dégustée avec moult exclamations d’admiration.
Venait la fin du spectacle. Tandis que les hommes rassemblaient les chaises sur le trottoir, les femmes achevaient la vaisselle et remettaient la salle en ordre.
Titubants de sommeil et les yeux pleins d’images nous regagnions en grelottant nos logis. Un coup de tisonnier, quelques secousses de la grille, le tirage à fond la cuisinière nous réchauffait rapidement.
L’émission fera l’objet des conversations autour du camion du laitier pendant plusieurs jours…
Les bains du samedi… Ca chauffe!
Les maisons de cette époque, même en ville, n’étaient pas équipées de salles de bains comme c’est le cas aujourd’hui. La toilette du matin se réduisait à un savonnage au gant de toilette devant l’évier de la cuisine ou, dans les maisons plus récentes, devant un lavabo. Le soir, derrière un camouflage de draps, on utilisait un baquet (aussi appelé « chaudron ») et un grand broc d’eau à température faite d’un mélange d’eau de pluie et d’une casserole d’eau très chaude posée sur le poêle tout proche. La pièce était surchauffée, le coup d’éponge énergique, le savon de Marseille odorant. Glissés dans nos pyjamas, nous passions de l’autre côté du poêle ronflant.
Imaginez la réputation de mes grands-parents qui, dans leur petit village minier, disposaient d’une salle de bain avec baignoire et chauffe-eau ! Construite des mains de mon grand-père, le sol de cette salle de bains était entièrement recouvert de caillebotis (dont les barreaux rustiques faisaient mal sous nos pieds fragiles de citadins…).
Le chauffe-eau fonctionnait au bois (le charbon aurait fait monter la température trop haut). Il était impossible, une fois allumé, de l’arrêter et l’eau continuait de chauffer. Il fallait laisser couler l’eau chaude en permanence pour éviter la surchauffe et … l’explosion des canalisations !
L’intérêt d’enchainer les bains devient évident !
En plus de l’eau, cet engin chauffait aussi la pièce. La vapeur qui emplissait la pièce portait l’odeur du bois brûlant mêlée à celle du savon : ça sentait le propre ! Sitôt sorti du bain, nous faisions l’objet d’un séchage énergique avec « friction » du dos avant de sauter dans nos pyjamas puis nos robes de chambre. Nous rejoignons alors le groupe des « propres » autour du poële de la « grande pièce ». C’était alors l’odeur des « peum’tierres » rangées dans le four qui nous entourait..
Dès le début du repas collectif, le four recevait sa charge de briques : non pas les briques de construction, rouges, mais les réfractaires, plus jaunes et utilisées dans les hauts fourneaux. Elles accumuleront la chaleur du poêle poussé à son maximum, la fonte du dessus commençant à rougeoyer.
Dans les chambres non chauffées, le givre créait de superbes arabesques et, engoncés dans nos pyjamas en « pilou » nous grelottions. La brique de chacun de nous, très chaude, était glissée à l’entrée des draps puis poussée peu à peu plus loin dans le lit.
Recroquevillés dans les draps à peine réchauffés, il suffisait alors de pousser peu à peu, avec les pieds, notre brique plus au fond du lit et de s’endormir dans le petit cocon juste tiède… pourtant l’édredon empli de plumes était énorme !
Joel Laine
IB
Téléchargez notre application gratuite, et recevez nos infos directement, en cliquant sur les icônes !

