Souvenirs d’en F(r)ance : Les bons points … (La carotte sans le bâton !)
Ces objets ou moments qui ont pu vous marquer… (par Patrice Vergès)
28/01/18
Souvenirs d’en F(r)ance : Les Bons points … (La carotte sans le bâton)
Un petit morceau de carton
Avez-vous connu le bon point ? Ce petit morceau de carton de couleur était utilisé à l’école particulièrement dans les petites classes pour récompenser les élèves travailleurs. C’était l’instituteur (on ne disait pas encore professeur des écoles « mais maître ou maîtresse ») qui le distribuait aux bons élèves.
Il donnait droit à une belle image généralement d’animaux. Au bout de 10 points (soit dix images), un livre ou un cahier de coloriage. C’est selon.
Son nombre jouait obligatoirement sur la note de bonne conduite et sur le carnet scolaire.Le billet de satisfaction ou Billet d’Honneur d’un niveau encore supérieur était généralement remis par le directeur de l’établissement.
Pour l’élève, ce bon point ou ce billet l’encourageait à être encore plus sage et mieux noté en classe.
Dès le 19eme siècle
Le bon point est apparu dès le 19eme siècle et on en usera beaucoup au temps de Jules Ferry car il permettait de racheter des fautes tout en valorisant le comportement social. Comme les cartes à jouer, il pouvait compter plusieurs points grimpant de 1 à 10.
C’est le professeur qui hiérarchisait sa dotation en fonction du comportement de l’élève et de sa bonne volonté en matière de suivi des cours ou des devoirs rendus.
Effets co-latéraux : le détournement et les échanges
Cela dit, les enfants étant les enfants, certains échangeaient leurs bons points à ceux qui n’en avaient pas contre une bille ou d’un jeu d’osselets. Loisirs très prisés alors par « nos chères têtes blondes », une expression qu’on n’ose plus dire aujourd’hui car elle est, parait-il, affreusement raciste. Nous ne la dirons donc pas.
Conservés fréquemment dans une boîte prévue à cet effet, ils se volaient également dans les pupitres.
Le passage du bon point à la grande distribution
Le bon point était aussi pratiqué dans le commerce. Non pas pour récompenser des clients sages et qui ne hurlent pas dans les allées mais les plus fidèles à l’enseigne. On cumulait des bons points sous forme de timbres à coller sur une feuille qui lorsqu’elle était complète vous donnait droit à un cadeau : peluche ou porte clé ou encore un verre.
Timbres aujourd’hui remplacés par une carte magnétique présentée à l’hôtesse de caisse en payant à l’hyper marché afin de grossir sa cagnotte de réduction. Somme cumulée calculée automatiquement toujours très décevante comparée à celles dépensées. Fini le romantisme de ces timbres qu’on collait sur cette feuille engluée de salive séchée et la satisfaction de la voir se recouvrir, peu à peu, de timbres colorés !
Dépendance envers l’adulte ?
Mai 1968, puis certains enseignants issus de cette mouvance, puis des fédérations de parents d’élèves très puissantes ont balayé le bon point jugé hors d’âge dans les années 80. Si certains enseignants ont pratiqué son retour assez récemment, il n’est plus suffisamment motivant pour un jeune enfant de cette génération sauf si les points lui servaient à une réduction sur un i-Phone ou un jeu vidéo bien gore. Nos enfants ne sont plus ceux des années 60 !
Il parait que le bon point était devenu traumatisant pour les élèves qui n’en avaient pas et cela pouvait les conditionner négativement dans leur vie d’adulte.
Certains, comme le grand psychologue américain Thomas Gordon (1918/2003) spécialiste de l’éducation des enfants, les jugeait même très néfastes car créant un état de dépendances envers l’adulte.
Face aux ricanements des autres gamins jaloux et moqueurs, le pauvre récompensé, pouvait se sentir humilié et ne jamais s’en remettre.
Je ne doute pas de la compétence de ce grand psychologue, mais je sais que je ne serais pas parti en vacances avec lui!
Patrice Vergès Journaliste, romancier (page FB ici)
(Illustrations : Copie écran Archives et documentation Patrice Vergès)
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