SOS Avocat : La liberté de parole de l’avocat, pour mieux vous défendre…
SOS consommateur: L’avocat est libre. Parole à la défense… pour votre bénéfice.
15/05/21
Vous ne le savez peut-être pas, mais l’Avocat qui défend doit être libre pour le faire de façon efficace et totale. Aussi, il existe une immunité permettant à l’Avocat de ne pas risquer d’être poursuivi pour injure ou diffamation lorsqu’il plaide la cause de son client.
En effet, un « Ad-Vocatus » est une personne qui « porte secours » à son client, et en particulier en défense pénale devant le Tribunal de Police, Tribunal Correctionnel, et à la Cour d’Assises.
Qu’est-ce que l’immunité de parole de l’Avocat ?
C’est l’article 41 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui garantit ce droit que l’on nomme « l’immunité de robe » qui dispose :
«Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.
Pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».
Si l’Avocat n’est pas libre, comment le client pourrait-il faire valoir ses droits, intérêts avec humanité, force et dévouement total ?
Cette Immunité est donc dorénavant totale au sens de la loi de 1881.
Mais attention, elle n’est pour autant pas absolue, car comme tout autre droit, toute liberté est susceptible de générer des abus.
Ainsi comme l’a justement rappelé notre illustre consœur Gisèle Halimi devant l’assemblée Nationale en 1982 : « Dans ce face à face démesuré d’un homme et d’une société, l’avocat se heurte à la peur, à l’émotivité populaire, aux juges, aux lois ».
Le poids de l’opinion publique
Il apparaît donc logique que l’Avocat ne soit sujet à aucune crainte ou menace de la part de la société, du poids de l’opinion populaire ou les risques de récupération des affaires médiatiques.
L’article 41 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 confère une immunité judiciaire aux discours prononcés ou écris produits par l’avocat devant les tribunaux, qui ne peuvent donner lieu à son encontre aux actions en diffamation, pour injure ou outrage.
L’avocat n’est donc pas soumis, dans le cadre des débats judiciaires, aux infractions de presse (injures publiques ou diffamation), souvent perçue comme une liberté d’expression absolue de l’avocat dans le cadre du débat judiciaire.
Comme l’a rappelé la Cour de cassation dès 1933 : les abus justifiés de la liberté d’expression de l’avocat doivent avoir pour objet le fond même du procès sans excéder les limites des droits de la défense.
Les juges admettent que cette immunité permet à l’avocat de critiquer le fonctionnement de la justice telle qu’elle leur est ou sera rendue, dans le cadre d’une plaidoirie : le fait pour un avocat d’employer les termes « justice honteuse » bénéficie de l’immunité et n’est pas considéré comme outrageant, mais la conclusion impuissante d’un raisonnement constatant l’impossibilité dans laquelle se trouvait l’avocat de faire entendre une cause dont il était fondé à penser qu’elle était juste.
Pas de propos hors de la salle d’audience
Attention tout de même en cas de propos sortant du strict débat de l’action judiciaire en cours…
L’article 41 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881 dispose à cet effet que « pourront toutefois les faits diffamatoires étrangers à la cause donner ouverture, soit à l’action publique, soit à l’action civile des parties, lorsque ces actions leur auront été réservées par les tribunaux, et, dans tous les cas, à l’action civile des tiers ».
En effet, la protection ne s’applique pas aux propos tenus en dehors de la salle d’audience ou des juridictions, tant en ce qui concerne des propos écrits que des paroles à destination de la presse à la sortie de l’audience.
L’avocat est tenu de respecter en toutes circonstances les principes essentiels qui guident la profession d’avocat définis par l’article 1er du règlement intérieur national dont les principes de dignité, d’honneur, de délicatesse, de modération et de courtoisie, ainsi que le secret professionnel.
C’est ainsi que des propos outrageux, injurieux ou diffamatoires prononcés ou écrits par l’avocat peuvent bénéficier de l’immunité de l’article 41 mais faire concomitamment l’objet de poursuites disciplinaires fondées sur la violation de ces principes essentiels par l’Ordre des Avocats.
Les limites de la liberté de parole
On ne dira pas à un magistrat : « Je ne vous supporte plus… j’en ai assez de vous voir. Vous me gonflez avec votre sourire en coin. Vous serez responsable de ce gâchis. Ce que vous avez fait est dégueulasse. Je regrette de ne pas avoir, lorsque vous étiez à Lille, déposé plainte contre vous » …
En dehors du cadre limité du Tribunal et la barre de la défense, l’Avocat doit demeurer prudent et modéré.
Aujourd’hui, il s’expose volontairement ou involontairement à une médiatisation qui ne se limite plus à la typique déclaration de sortie d’audience, mais constituant aujourd’hui parfois une étape du procès.
Le danger de la surmédiatisation de l’avocat est d’abord l’influence de celle-ci sur l’image de l’institution judiciaire et de la profession. Mais depuis quelques années, on remarque un élargissement de la liberté d’expression des avocats dans les médias au cours d’une affaire dite « médiatisée ».
Exemple de sanctions de l’avocat
Une avocate avait divulgué dans la presse des informations et commentaires sur un rapport d’expertise remis à un juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire ouverte pour homicide involontaire mettant en cause des maladies provoquées par un vaccin.
Elle faisait en outre état de pressions exercées sur l’expert des extraits du rapport avaient été reproduits par la suite dans différents papiers. Elle fut attaquée pour violation du secret professionnel.
Cet arrêt est remarquable, en ce qu’il permet d’abord une progression de la liberté de l’avocat qui s’exprime dans les médias dans l’intérêt de la défense. Il apparaît que dans ces conditions, il peut violer son secret professionnel, si toutefois la violation est minorée puisque les éléments sur lesquels il s’exprime sont déjà divulgués, et lorsque la cause s’inscrit dans un débat d’intérêt général…
Bon week-end !
M° Adrien Pujol
Avocat et Médiateur des conflits, agréé près les Cours de Bordeaux, Poitiers, Limoges, Agen et Pau
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(Illustrations : copies écran internet)