SOS Avocat : Confinement, amende… et garde à vue !

SOS conso… Droit et situation de crise : Peut–on être placé en garde à vue pour violation des règles du confinement partiel ?


26/03/20

Depuis le début du confinement, la situation de crise pose question sur l’interprétation du droit. et le discernement des forces de l’ordre. Nous donnons donc l’occasion à M° Pujol de s’exprimer sur ce point. 

Michel Lenoir, Directeur de publication


Cette crise et les dispositions prises par le gouvernement offrent l’occasion d’étudier la question sous l’angle de la défense pénale et du droit des libertés fondamentales et du droit pénal général et spécial.


Le non-respect du confinement entre-t–il dans la qualification du délit des risques causés à autrui ?

coronavirus photoLa gravité du contexte sanitaire actuel impose des restrictions importantes de nos libertés individuelles. L’enjeu de santé publique sur le territoire l’emporte sur la liberté d’aller et venir. Ainsi, le gouvernement a ainsi mis en place un confinement partiel de la population française.


Le confinement : un intérêt majeur

Nous connaissons tous les incidences de ce confinement depuis quelques jours. Il déstabilise nos habitudes, et l’impact économique de ce confinement nous inquiète et menace l’équilibre économique de nos activités (salariés, chômage partiel, charges qui s’accumulent, salaires et chiffres d’affaires en perdition…)

Mais le confinement sauve des vies.

Et évidemment la question des sanctions des personnes qui ne respectent pas les règles imposées collectivement se pose donc…


Qu’entraine la violation des règles ?

La violation des règles de confinement est désormais passible, depuis le 18 mars d’une amende de 135 euros. Une contravention de 4è classe qui peut grimper à 375 euros en cas de majoration.

Récidive : A partir de la deuxième infraction aux règles du confinement constatée dans un délai de 15 jours, la récidive est punie par une amende de cinquième classe d’un montant de 1500 euros au maximum. Il s’agit d’une amende pénale, et non d’une amende forfaitaire. Par conséquent, le montant de l’amende sera prononcée par un juge et ne pourra dépasser 1500 euros.

Multiples récidives : Être verbalisé plus de trois fois pour infraction aux règles du confinement en moins de 30 jours, est un délit. Le contrevenant s’expose à six mois d’emprisonnement, à une amende d’un montant maximum de 3750 euros.

A cela s’ajoute deux peines complémentaires, des travaux d’intérêt général et une suspension de permis si l’infraction est commise à l’aide d’un véhicule.

Voir le détail de la loi, ici


Ainsi depuis le 17 mars 2020, toutes les personnes qui circulent doivent être en mesure de justifier leur déplacement.  Seuls les déplacements entre le domicile et le travail, pour raisons de santé, pour effectuer des courses de première nécessité ou pour des motifs familiaux tels que la garde d’enfants, sont tolérés.


Quel traitement pour les récidivistes ?

Problème: De nombreuses personnes sont encore vues circulant ou se réunissant dans des lieux publics en violation du décret imposant le confinement.

C’est la raison pour laquelle la Chancellerie a donné l’ordre aux forces de police de durcir le ton et procéder à des placements en Garde à Vue des personnes récalcitrantes.



La garde à vue

police garde a vue


S’agissant des personnes placées en garde à vue, le motif invoqué serait le délit de mise en danger de la vie d’autrui

En effet, rappelons que la mesure de garde à vue (mesure de contrainte privative de libertés),  n’est possible dans notre droit que pour des personnes dont des indices suffisants laissent croire qu’ils ont pu commettre un délit (et non une contravention de 4è classe).


Les placements en garde à vue pour la contravention de 4è classe de « non-respect du confinement » ne sont donc pas valables.

Il faut que les forces de l’ordre constatent ou suspectent la commission d’un délit… Et pour certains magistrats, le délit de mise en danger de la vie d’autrui serait justifié et ouvrirait la porte à des placements en garde à vue.


Deux avis de magistrats

«Les messages de prévention depuis plusieurs jours sont très clairs, et ne peuvent être ignorés de personne. Quand on circule en violant délibérément une obligation, il y a intentionnalité », selon Mme Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM) dans Le Parisien.

Il convient donc de se demander sérieusement si le motif de mise en danger de la vie d’autrui est valable pour placer un individu en garde à vue pour non-respect des mesures de confinements imposées en cette période de crise du coronavirus.


Comme le souligne un autre magistrat de Bobigny : « Il faudra prouver que le suspect a délibérément violé une obligation particulière de sécurité imposée par la loi ».


Le non-respect du confinement entre-t–il dans la qualification du délit des risques causés à autrui ?

Peut-on légalement être placé en garde à vue pour violation des règles du confinement partiel ?

Rappel en Droit : Article 223-1 du code pénal : Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.


L’incrimination des risques causés à autrui

Le délit de mise en danger d’autrui ne peut être caractérisé qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, de nature à causer un risque immédiat de mort ou de blessures graves à autrui.


sos pv justice glaive balanceIllustration jurisprudentielle de principe  (Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-83.067, FS-P+F N° Lexbase : A6157D78) Ce texte n’exige pas qu’il y ait eu de la part du contrevenant une volonté manifestement délibérée de mettre en danger la vie d’autrui.

Pour autant, il est nécessaire, pour constituer le délit, que soit clairement caractérisé le lien immédiat entre la violation des prescriptions règlementaires et le risque auquel ont été exposés les victimes.


Illustration en jurisprudence (Cass. crim., 16 février 1999, n° 97-86.290 N° Lexbase : A9291ATB) Cet élément, fondamental, semblerait absent dans le cas de la personne ayant sciemment manqué de respecter le confinement.


Ainsi on peut penser que pour autoriser la garde à vue, il faudrait prouver pour les agents les critères cumulatifs suivants :

1- Que la personne ne respecte pas les autorisations de sorties prévues par le décret et les arrêtés locaux. Or ces exceptions couvrent un champ large et permettent de circuler pour l’un des motifs légitimes listés par ledit décret. Via une attestation écrite, imprimée, datée et signée.

2-Que le « danger » soit à minima potentiel. En effet, il faudrait que la personne soit consciente d’être porteuse de symptômes laissant penser qu’il pourrait s’agir du Covid-19. Et on l’a dit, les sorties sont autorisées sous conditions sauf à être porteur de symptômes de la maladie coronavirus. Sans ces symptômes, le contrevenant ne se sait pas dangereux (même potentiellement).

3-Exposer DIRECTEMENT autrui au risque

Enfin, la qualification de mise en danger délibérée d’autrui supposera que la personne se trouve dans un lieu où elle peut exposer directement autrui à son propre contact.


Autrement dit, une simple balade, seul(e) au milieu de la nature (ou en tout autre milieu ouvert) et en évitant tout contact avec autrui à plus d’un mètre, ne suffiraient pas à justifier de la légalité de la garde à vue.

Et ce même en violation des dérogations, et même porteur de symptômes. Ces critères seraient à notre sens cumulatifs.


Que faire pour annuler une Garde à vue abusive ?

Votre avocat déposera une requête auprès du Procureur de la République aux fins de levée de la garde à vue pour défaut de qualification.

La même demande d’annulation de la procédure sera à produire « in liminelitis » (avant toute défense au fond) par votre avocat devant le Tribunal en cas de convocation. Et ce afin d’obtenir la nullité des actes et votre relaxe totale.

Enfin, rappelons que ces mesures exceptionnelles de garde à vue ont concerné des zones urbaines où des regroupements réguliers se formaient.


Dernière actualité  : Modalités prises par le Sénat en matière de gardes à vue :

Afin de faire face aux conséquences liées à la propagation du virus covid-19, le Sénat étend en chambre mixte paritaire, la possibilité pour les représentants de l’État de prendre toute mesure visant notamment à adapter aux seules fins de limiter la propagation du covid-19, parmi les personnes participant à ces procédures, les règles relatives au déroulement des gardes à vue (Article 7 (…) d). Et ce pour permettre :

-l’intervention à distance de l’avocat.

-la prolongation de ces mesures pour, au plus, la durée légalement prévue sans présentation de la personne devant le magistrat compétent.


NB : Nous recommandons vivement à chacun de prendre individuellement ses responsabilités pour participer à l’effort collectif afin de contenir la pandémie et retrouver naturellement et au plus tôt ces libertés associées auxquelles nous tenons tant.



maitre pujol robeAdrien Pujol (Avocat Droit Pénal et Routier & Médiateur des conflits)

Conseil téléphonique gratuit pour les lecteurs(trices) d’InfoBassin. Réponse sous 48h au 06.18.02.44.21. Plus d’infos sur pujol-avocat-mediateur.fr/conseils/

(Illustrations  : copies écran internet)




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