Bassin: Revirement du Préfet sur le droit de polluer!
Pollution du Bassin d’Arcachon: Pour les futures fortes pluies, les maires sont désormais à l’abri (mais pas les huitres) !
4/03/25
L’affaire de la pollution du Bassin de l’hiver 2023 suivie d’une crise sanitaire nationale connait un nouveau rebondissement. Dans ce dossier à tiroir dont nous vous relatons les suites à chaque nouvel épisode, c’est la préfecture qui a jeté un pavé dans la mare hier (voir nos articles précédents sur ce dossier, ici) .
Expert dans l’art du tango, un pas en avant, deux en arrière, en fonction des ordres du ministère et des événements, le préfet de Région, dans un communiqué de Presse, autorise désormais les déversements dans le milieu naturel, après avoir déclaré l’inverse, il y a quelques semaines.
Cette signature des arrêtés préfectoraux modifie donc les autorisations en vigueur pour les Systèmes d’assainissement du Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon.
La caution du Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon pour le Préfet
Le Préfet s’appuie sur le fait que le Conseil de gestion du Parc Naturel Marin avait donné un avis favorable aux arrêtés signés le 28 février 2025, ce qui est contesté.
En janvier 2025, le point concernant les arrêtés a été retiré de l’ordre du jour du Conseil de gestion après la volte-face du Préfet suite à des manifestations et interventions diverses.
Le Conseil de gestion a uniquement validé un avis technique démontrant que les débordements autorisés en cas de fortes pluies altéreraient notablement le milieu marin.
Selon l’article L. 334-5 du Code de l’environnement, une autorisation ne peut être délivrée sans un avis conforme du Conseil de gestion si une activité est susceptible d’altérer le milieu marin. Ce n’a pas été le cas ici, et ces erreurs de droit peuvent entraîner l’annulation des arrêtés du 28 février 2025 par la juridiction administrative…
Tous les arrêtés préfectoraux sont disponibles sur le site de la préfecture, ici
Des élus à l’abri de soucis judiciaires
Pour les élus du Siba, c’est un soulagement, car en cas de débordement des réseaux, ils ne seront plus juridiquement responsables. Ils ont senti le vent du boulet après la garde à vue de la directrice générale du SIBA, et la directrice des opérations de Veolia Atlantique pour « pollution », « écocide » et « mise en danger de la vie d’autrui », et surtout l' »audition » par la police du président du SIBA , Yves Foulon…
Les textes prévoient désormais que : « Les rejets directs d’eaux usées par temps de pluie ne sont pas autorisés en dehors des :
-opérations programmées de maintenance, dans les conditions prévues à l’article 16 de l’arrêté ministériel du 21/07/2015 modifié,
-circonstances exceptionnelles, telles que mentionnées à l’article 2 de l’arrêté ministériel du 21/07/2015 modifié : catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non directement liés à un défaut de conception ou d’entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques, actes de malveillance. »
Compte-tenu des événements fin 2023 ayant engendré des déversements et des débordements sur les communes du Nord Bassin, le bénéficiaire de l’autorisation doit mettre en place un programme d’actions dans un délai de 5 ans. Ce plan d’actions doit permettre notamment de réduire l’apport des eaux parasites dans le réseau d’assainissement.
En fait, grâce à l’astuce d’une sémantique inversée (« en dehors de… »), l’État autorise donc les pollutions du milieu naturel, dont les eaux du Bassin d’Arcachon.
Comment le SIBA utilise l’argent du contribuable du Bassin pour les réseaux
Lors de sa conférence de presse du 16 octobre dernier, le SIBA a annoncé un programme de 120M€ censé régler les problèmes de débordements d’eaux usées dans le Bassin d’Arcachon, car les réseaux (pluvial et eaux usées) doivent être entretenus. Pourtant, le Syndicat intercommunal ne prépare pas le territoire aux effets du changement climatique.
En 2024, malgré un budget de 23,7 M€ pour l‘assainissement des eaux usées, seuls 6,3 M€ ont été réalisés, soit 26,69% des investissements prévus. Les investissements ont diminué de 2021 à 2024, causant une dégradation des infrastructures. Le taux de renouvellement des réseaux est tombé à 0,44% en 2023, nécessitant 227 ans pour un renouvellement complet. L’accumulation de trésorerie du service public de l’assainissement a atteint 18,7 M€ au 31 décembre 2024.
Les investissements pour les eaux pluviales ont également été insuffisants. Prévus en 2024 à hauteur de 3,7 M€, seuls 2,7 M€ ont été réalisés. La moyenne des investissements réalisés entre 2019 et 2023 était de 2,54 M€ par an, montrant une insuffisance chronique.
Malgré les fonds considérables donc, le SIBA n’a pas assuré les investissements nécessaires pour éviter les débordements des eaux usées et maintenir les services d’assainissement adéquats.
En avant pour une nouvelle campagne touristique à 120.000€…
Par contre, de peur sans doute que nous manquions de touristes sur le Bassin cet été, le même SIBA qui a aussi la compétence en matière de développement touristique, vient, selon notre confrère de La Dépêche du Bassin, de signer un contrat avec une agence de pub (5000€) pour mettre le Bassin en avant sur les réseaux sociaux, diverses plateformes et les groupes TF1 et M6, pour un montant de 120.000€.
C’est vrai que ça s’imposait…
La réaction des associations de défense de l’environnement
La signature des arrêtés préfectoraux modifiant les autorisations en vigueur hier a fait l’effet d’un chiffon rouge pour la CEBA (Coordination Environnement du Bassin d’Arcachon, qui regroupe 26 associations de défense de l’environnement) et l’ADEBA (Association de Défense des Eaux du Bassin d’Arcachon, regroupant des professionnels de la mer motivés par l’importance de la qualité des eaux). Jacques Storelli (président de la Ceba) , et Thierry Lafon (Président Adeba), envisagent d’ailleurs de les contester devant le tribunal compétent.
Dans un courrier commun au Préfet, les 2 assos chargent sabre au clair :
« Nous sommes consternés par ces documents qui marquent tout à la fois l’incapacité du SIBA à maîtriser les réseaux dont il a la charge, et la volonté des services de l’État de placer le SIBA sous un régime juridique d’exception, celui d’un syndicat autorisé à polluer l’environnement et le milieu aquatique, ce au mépris des principes « Zéro rejets », et « Bon état écologique des eaux…/…
Méconnaissant les principes, les projets d’arrêtés présentés visent à autoriser le SIBA à déverser sans pénalité dans le Bassin d’Arcachon, et ce chaque année, que la pluviométrie ait été exceptionnelle ou non, une charge de pollution pouvant aller jusqu’à 5 % de la charge collectée annuellement ; compte tenu de la dilution des eaux usées par les eaux parasites lors des épisodes de déversements, cela représente un volume considérable, encore plus important que celui déversé lors de l’hiver dernier. C’est évidemment scandaleux et inacceptable. De tels arrêtés, s’ils venaient à être pris, se verraient aussitôt attaqués par tous les moyens légaux, y compris judiciaires. »
Et pour enfoncer le clou, les représentants de la CEBA et de l’ADEBA demandent de garantir un zéro rejet dans le Bassin, sauf circonstances exceptionnelles (avec un retour d’événement de 30 ans) , le suivi par un organisme indépendant des débordements du réseau d’eaux usées, prioriser la réduction des débordements pluviaux en suivant strictement les réglementations et en gelant de nouveaux aménagements dans les zones inondées récurrentes, une transparence totale concernant les problèmes du réseau d’eaux usées et leur gestion. Enfin, la mise en place de pénalités pour les déversements excessifs d’eaux usées dans le Bassin.
Du coté du Comité des Conchyliculteurs
Contacté, le Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA) n’a pas répondu à notre demande de commentaires sur la signature des arrêtés. Mais il avait récemment annoncé la mise en service de trois forages d’eau salée sur le pourtour du Bassin d’Arcachon (voir notre article ici)
Ces infrastructures visent à assurer une eau de mer de qualité pour les ostréiculteurs, notamment en cas de crise sanitaire. Ils pourront s’approvisionner avec de l’eau indemne de toute contamination et bénéficieront d’une alternative fiable pour sécuriser leur activité.
Ils pourraient fort en avoir besoin, en effet, si la modification des arrêtés environnementaux reste en l’état et que la météo se gâte dans l’avenir…
A suivre!
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