Politique : La Cour des comptes met son nez dans la gestion de la Coban (Ca pique un peu…)
La Chambre régionale des comptes vient de publier un Rapport sur la gestion de la Coban avec sept recommandations appuyées. Analyse…
30/06/21
La Chambre régionale des comptes (CRC), partie régionale de la Cour des comptes, est toujours discrète mais parfois cinglante dans ses rapports.
Chargée de veiller au bon usage des fonds publics, cet organisme dissèque avec finesse les arcanes comptables et administratifs de nos institutions, villes et communauté de communes.
Le 1er septembre 2020, elle a démarré son enquête à la Communauté de Commune du Bassin Nord (Coban) qui recouvre les communes de Lège-Cap Ferret, Arès, Andernos, Lanton, Audenge, Biganos, Marcheprime, Mios.
Pourquoi une enquête ?
La CRC est souveraine dans les choix de ses cibles. Mais il n’est pas impossible que suite au contrôle du budget de Lège Cap Ferret (voir notre article du 28/09/2018, ici) elle ait décidé de regarder de plus près les comptes de la Coban…
Quel bilan ?
Même si la gestion de l’interco du Nord bassin est globalement satisfaisante depuis sa création, la CRC aligne dans ce rapport de 109 pages sept recommandations appuyées, pour remettre la situation en conformité avec le droit.
-n° 1 : Mettre un terme, dans leurs modalités actuelles, aux mises à disposition au profit de la commune de Lège-Cap Ferret. [Mise en oeuvre] (p 17)
-n° 2 : Actualiser rapidement le projet de territoire et mettre à jour les différents plans pluriannuels d’investissement à une fréquence plus soutenue. [Mise en oeuvre en cours] (p 23)
-n° 3 : Mettre en concordance la balance du compte de gestion, l’état de l’actif et l’inventaire. [Mise en oeuvre en cours]
-n° 4 : Mettre en concordance l’encours de la dette dans l’état de la dette du compte administratif et la balance du compte de gestion. [Mise en oeuvre en cours]
-n° 5 : Formaliser et réaliser le contrôle sur place des régies par l’ordonnateur. [A mettre en oeuvre]
-n° 6 : Mettre en conformité la durée du temps de travail effectif de tous les agents de la COBAN avec la règlementation, soit 1 607 heures. [Mise en oeuvre en cours] (p 84)
-n° 7 : Mettre fin au paiement de la prime annuelle, sous sa forme actuelle, compte tenu de son irrégularité. [A mettre en oeuvre] (p 93)
Ambiance tendue au Conseil communautaire de la Coban
Tant que l’entente et les petits arrangements entre élus régnait à la Coban, les décisions étaient votées sans anicroche. Mais depuis la réélection très mouvementée l’an passé du Président Bruno Lafon (voir notre article) et le clivage politique lié à l’élection d’Yves Foulon au Siba, les débats sont difficiles et sous tensions. Et le rapport de la CRC n’a fait que relever les antagonismes déjà vifs. Lors du dernier conseil, deux conseillères communautaires étaient en pleurs. Ambiance…
Les recommandations de la CRC en détail
On ne les reprendra pas ici toutes dans le détail. Mais les n°1, 2 , 6 et 7 méritent qu’on s’y attarde.
Les Attributions de compensations et mises à disposition d’agents au profit de la commune de Lège-Cap Ferret
Pour faire court, la commune de Lège Cap Ferret a bénéficié d’un appui financier non négligeable de la Coban. La CRC explique : « Par conventions du 27 décembre 2017, avait été formalisée une mise à disposition de deux agents de la COBAN au profit de la commune de Lège-Cap Ferret45 pour participer aux prestations de propreté sur son territoire. Ce soutien à la commune, sans contrepartie financière, existait selon les services depuis 2004, et ne reposait jusqu’à cette date sur aucun document concret l’organisant ou attestant d’une décision prise par l’EPCI (Coban, NDLR) …
/… Pour mémoire, l’EPCI est garante de la « création, aménagement et entretien de la voirie d’intérêt communautaire », mais la compétence est restreinte aux voies d’accès aux équipements communautaires et à certaines pistes cyclables. Le nettoyage de la voirie relève donc de la responsabilité de la commune concernée …
/… Cette démarche était d’autant plus contestable qu’elle ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une mutualisation du service profitant à l’ensemble des communes membres de l’EPCI en étant réservée, en l’espèce, seulement à la commune de Lège-Cap Ferret. »
Dans leur réponse, l’ordonnateur et le maire de Lège-Cap Ferret ont indiqué avoir mis fin aux mises à disposition des deux agents, ces derniers ayant été mutés à la commune de Lège-Cap Ferret à compter du 1er janvier 2021.
Le conseil de la Coban
La recommandation devait donc être suivie par la Coban lors de l’assemblée du mardi 29 juin avec le vote de la délibération « Evolution des attributions de compensation ». Mais il manqua deux voix pour qu’elle fut adoptée.
Les élus de Lège Cap Ferret ont voté contre et demandent une attribution échelonnée et dégressive sur deux ou trois ans, car il s’estiment dans leur droit à l’aune des accords contractés entre la Coban et la mairie de Lège.
Et si la Préfecture s’en mêle…
C’est donc encore un blocage à la Coban. Quelle suite sera donnée ? Le contentieux peut durer quelques années. A moins qu’un arrangement à l’amiable n’intervienne entre Nathalie Le Yondre, en charge des finances à la Coban et Philippe De Gonneville, maire de Lège Cap Ferret. Ou que la Préfecture, même si les conclusions de la CRC ne sont que des recommandations, relève l’irrégularité et tape du poing sur la table en exigeant la cessation des attributions. Auquel cas la mairie pourrait saisir la justice…
Un Scot toujours absent
La CRC pointe aussi la nécessité d’actualiser rapidement le projet de territoire et mettre à jour les différents plans pluriannuels d’investissement à une fréquence plus soutenue. Le Sybarval, qui travaille sur le lourd et clivant dossier du Schéma de Cohérence territoriale (Scot), est donc concerné par cette recommandation.
Pour les ignorant(e)s des subtilités urbanistiques, un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) est un document de planification et d’urbanisme qui définit les grandes orientations d’aménagement pour un territoire donné, et pour le long terme (réflexion pour les 15 à 20 ans à venir). Il assure (en principe) la cohérence des politiques publiques d’urbanisme…
Tour de vis en vue pour les agents de la Coban
Les agents de la Coban seront les victimes colatérales de ce rapport de la CRC qui demande à l’interco de les mettre un peu plus au boulot, car, selon la CRC, pour le temps de travail le compte n’y est pas, et « ce surcoût budgétaire (est) évalué à 130 974 € ou 3 ETP (poste équivalent temps plein) »
Mais c’est aussi une double peine pour eux, car il est demandé de supprimer la prime annuelle sous sa forme actuelle (ce qui laisse une porte ouverte pour qu’elle puisse être attribuée autrement… ) (p 84 et 93).
Transparence en matière de communication
La CRC relève perfidement que : « La COBAN a mis en ligne sur son site internet les dossiers présentés en conseils communautaires ainsi que les données financières, toutefois l’actualisation de ces dernières n’a été réalisée qu’à la suite du contrôle de la chambre régionale des comptes. »
Cette petite dernière phrase montre en creux dans ce dossier que c’est bien le contrôle de la CRC qui a secoué la Coban et mis de l’huile sur un feu qui couvait déjà depuis plusieurs mois.
Heureusement l’été arrive, le Bassin / Val de L’Eyre sera plein à craquer, les tiroirs-caisses vont tinter agréablement à l’oreille des professionnels du tourisme, et les élus seront heureux.
Cela ne saurait gâcher la saison estivale, quand même.
A suivre…
L’intégralité du Rapport de la CRC est à télécharger ici.
Michel Lenoir
Directeur de publication