Bienvenue au pays du « Naming ! »
6/09/15
Le coup de plume du Dimanche : L’argent de la pub pour remplacer celui du contribuable ?
C’est officiel : le nouveau stade de Bordeaux prendra désormais le nom d’une mutuelle d’assurances. Le jour des matches (ou les jours suivants pour la Presse papier), les commentateurs sportifs devront se transformer en hommes sandwiches pour pas un rond de plus, et vous raconter le derby joué au Stade NatNut atlantique.
On appelle ce nouveau phénomène le « Naming » (on pourrait dire nommage, mais bien sûr ça fait moins chic), un concept venu, comme le Mc Do, des USA, et qui consiste à demander 2M € par an à une société pour donner son nom à un bâtiment.
Cette disposition existe déjà pour les fondations qui, par un montage astucieux de mécénat, diminue leur écot à Bercy. On en vient maintenant aux bâtiments physiques.
La mairie de Bordeaux est évidemment pour, puisque cela allège d’autant ses finances, qu’elle n’aura pas à pomper dans la poche des contribuables.
Mais la démarche reste timide : On aurait pu nommer le pont J Chaban Delmas, pont Club Ned en hommage au fameux trois mats tout blanc, pour inciter les bordelais à prendre des vacances, le Grand Théâtre de Bordeaux, Théâtre Fnoc, pour amener le public à parcourir les rayons littérature, et enfin rebaptiser tous les lycées, collèges, et écoles, de noms de marque de shampoings (contre les poux pour la rentrée), et équiper les classes de nos enfants du numérique avec des tablettes Aqqle. Les entreprises sont déjà présentes au sein des établissements et seuls quelques enseignants réfractaires, obscurs vestiges d’un temps où l’école était un lieu de réflexion et de libre pensée, sanctuaire à l’abri du monde mercantile, y trouvent encore à redire.
On pourrait aussi aller plus loin au niveau national et remplacer les subventions publiques des partis politiques payées avec nos impôts par des noms de lessive (fini le Tronc national, place au parti Axiel qui lave plus blanc).
Les possibilités sont infinies. Grâce à la pub, les budgets municipaux malmenés par la baisse des dotations de l’Etat vont reprendre des couleurs. On attend avec impatience les propositions de nos élus pour les bâtiments communaux existants ou à venir.
Évidemment, quelques mauvaises têtes rechignent à accepter cet échange de bons procédés. A Bordeaux, les ultramarines restent insensibles aux arguments financiers (les places ne seront pas moins chères pour autant). Ils se mobilisent et veulent proposer un nouveau nom à leur stadium qui rentrerait dans le langage courant. Ou continuer à l’appeler simplement « le Nouveau stade« . Rien que des ingrats. On leur donne un nouvel espace de jeu tout neuf, et ça ronchonne.
Si ça se trouve, ils seraient bien capables de boycotter les assurances Natnut, ces sales gosses, pour exprimer leur mauvaise humeur…
Michel Lenoir
