Chronique du grand bond en avant!

Humour satirique: « Nous sommes au bord du gouffre, mais nous allons faire un grand pas en avant… »


Par Alain Mouginet, écrivain, ancien éditeur, demeurant sur le Bassin.


22/01/25



Je ne sais pas vous, mais moi je ne suis pas étonné du sombre constat dressé par le CEVIPOF* concernant la perception de la politique par nos contemporains. Près de huit Français sur dix éprouvent une défiance envers leurs élus, les jugeant incapables de régler les problèmes de notre société. En fait, les institutions sont décriées, les hommes politiques discrédités, le gouvernement jugé illégitime… et notre bien-aimé Président, inaudible, en est réduit à inaugurer les chrysanthèmes. Il faut d’ailleurs reconnaître que ce dernier n’est pas pour rien dans cette triste situation, après sa calamiteuse décision de dissoudre l’Assemblée.


Ah, 2027! Ca se bouscule au portillon…

Pourtant, ce qui semble surtout préoccuper la classe politique, c’est l’échéance de 2027. A plus de deux ans de la présidentielle, les impétrants, avides, se bousculent déjà au portillon, chacun assurant bien sûr, la main sur le cœur, ne rien exclure tout en distillant par d’habiles petites phrases, les solutions évidentes qui permettront, grâce à son action, de redresser à coup sûr le pays actuellement en quasi-faillite. Vous m’objecterez – et vous aurez raison – que voilà cinquante ans que l’on supporte le même discours, (ce qui tend à prouver que nos hommes politiques ont de la suite dans les idées…). Il est par contre navrant qu’aucun d’eux ne remette en cause sa gestion passée, se contentant de fustiger l’impéritie de ses prédécesseurs… ce qui me fait songer à cette célèbre phrase du regretté Président Houphouët-Boigny : «Nous étions au bord du gouffre, nous avons fait un grand pas en avant… »


Si l’Etat était une société…

Ce qui est fascinant chez cette engeance à l’ego surdimensionné, c’est sa farouche volonté d’obtenir coûte que coûte le poste suprême, quand bien même ce Titanic menace de sombrer. Imaginez un instant que la France soit une société anonyme à capitaux privés dont on vous propose la présidence du Conseil d’administration. Avant toute décision, vous allez éplucher avec soin le bilan, (en prenant auparavant un calmant tant sa lecture va vous donner des sueurs froides).


Si l’immobilier est indéniablement de qualité, financièrement la société croule sous une dette qui ne cesse de prospérer, nécessitant chaque année d’emprunter encore pour assurer le règlement des seuls intérêts. Le dernier état ne vous rassurera pas : le total dû dépasse désormais le chiffre d’affaires annuel !

Faubourg Saint-Honoré, le luxueux siège social parisien n’ayant plus la main, son président actuel se contente de voyager en dépensant sans compter. L’exploitation, en déficit depuis des décennies, n’émeut pas le directeur exécutif, plus absorbé par ses manœuvres en sous-main afin d’être calife à la place du calife, d’autant que son équipe, sans vision d’avenir, se contente de gérer les affaires courantes en profitant de l’instant présent.


Les Baronnies provinciales

Au Palais Bourbon, l’assemblée des actionnaires s’écharpe à chaque réunion, ne s’accordant que sur un seul projet : la censure ! Le conseil de surveillance, logé dans le prestigieux Palais du Luxembourg, se préoccupe essentiellement du choix des vins accompagnant le menu de la cantine gastronomique.

Enfin, vous serez effaré par l’ampleur des avantages consentis aux anciens dirigeants.

En étudiant avec attention la partie filiale, vous constaterez, stupéfait, que les directeurs de régions gaspillent allègrement l’argent dans des investissements aussi hasardeux que somptuaires. Que les responsables des départements préservent leur baronnies en allouant moult subventions à leurs affidés.


De leur côté, les antennes locales, sous prétexte d’efficacité, créent un mille-feuille de services inutiles qui bloque toute décision mais coûte une fortune en salaires et charges, permettant néanmoins aux responsables de cumuler présidence et vice-présidence rémunérées.


Des soupirants de Marianne à géométrie variable…

Vous aurez également à votre disposition une administration pléthorique, soucieuse de ses prérogatives, agrippée à ses acquis, qu’il est par contre inutile d’imaginer faire évoluer. Quant au service fabrication vous découvrirez avec stupeur que la volonté affichée de fabriquer sur place recouvre en fait une sous-traitance accrue vers les pays asiatiques.


Ajoutez-y un personnel particulièrement instable qui aime à se baguenauder dans les rues pancartes à la main… Et vous aurez ainsi un tableau précis de la situation qui ne manquera pas de vous faire penser que cette société moribonde devrait être déclarée en faillite… et ses dirigeants incarcérés !

Il est donc évident que tout être normalement constitué, soucieux de préserver son sommeil, sa santé et la sérénité de sa famille, jetterait rapidement l’éponge…


Ce qui n’est absolument pas le cas des soupirants de la Belle Marianne qui eux vont faire leur miel de cette situation apocalyptique en dégainant l’arme ultime : le catalogue des promesses à usage électoral, dont le socle intangible repose sur une farouche volonté d’apporter bien-être et bonheur à ses contemporains. En fait, cet homme – ou cette femme – fera don de son corps à la France !

C’est beau, c’est grand, c’est noble !


*Cevipof : Centre d’études de la vie politique française qui évalue chaque année l’état de santé de notre démocratie.



Alain Mouginet


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