Chronique des nanards et des veuves éplorées

Humour satirique: Culture ? Quand d’extravagantes idées prennent racine…


Par Alain Mouginet, écrivain, ancien éditeur, demeurant sur le Bassin.


1/03/25



Je ne sais pas vous, mais moi je regarde très rarement la petite lucarne, j’entends par là m’installer dans un fauteuil et subir les émissions « en direct ». Pourtant désormais nous bénéficions de plusieurs centaines de chaînes. Je me demande parfois qui peut bien s’y intéresser…

Or, en consultant par hasard un programme, j’appris que France 2 avait concocté une série « Rivages » dont le thème m’attira : A la suite du naufrage inexplicable d’un chalutier et de ses marins-pêcheurs qui demeurent introuvables, Abigail, océanographe, est envoyée par l’IFREMER en mission à Fécamp. Alors que ses recherches progressent, de nouveaux phénomènes mystérieux se produisent en mer qui pourraient avoir pour origine une présence sous-marine mystérieuse…


De l’art du naufrage

Alléché, j’attaquai donc le premier épisode en rediffusion (replay pour les amoureux des anglicismes). Et là, naufrage assuré ! Scénario bâclé, rythme mollasson, histoire totalement impossible à croire, dialogues faiblards. Exemple type : l’océanographe part seule en mer, en catimini, sur son petit bateau – alors que la marine s’apprête à envoyer ses cuirassés noyer sous les bombes cette chose inconnue – plonge seule en faisant fi des paliers de décompression pour réconforter une sorte de monstre des profondeurs agonisant dans un filet.


Ce dernier est en fait le rejeton du papa monstre qui continue à veiller sur lui en émettant une belle lumière bleutée… Notre plongeuse, attendrie par ce petit, le caresse tendrement espérant sans doute adoucir ses derniers moments. Rien n’y fait, il ferme définitivement son gros œil pour rejoindre le paradis du carton-pâte. Vous suivez toujours ? Oui, je sais, C’est complètement neu neu.


Que dire de la confrontation entre les gentils écologistes éclairés et l’armée agressive, manifestement peuplée de sombres abrutis, prêts à déchaîner quasiment le feu nucléaire ! Ce lieutenant, béret vissé sur la tête ouvrant sans cesse des yeux ronds d’incompréhension, démontrant – s’il en était besoin – qu’il n’a pas la lumière à tous les étages. Cette commandante, imbue de sa personne, passablement surexcitée, qui ne cesse d’aboyer des ordres contradictoires… Bref, une vision complètement manichéenne à laquelle on n’adhère pas un seul instant ! En résumé, petits moyens, petite réalisation, petite série à éviter.


Des pubs à gogo

Mais là n’est pas l’essentiel ! J’imaginais, un peu naïvement, ne pas devoir subir des publicités intempestives dans une réalisation du service public… Erreur fatale ! Au premier tiers de l’épisode, un gugusse est apparu afin de me vanter la qualité de ses canapés italiens. Cet homme mûr à l’accent chantant, revêtu d’un tablier de travail en cuir fleurant bon l’artisanat sérieux et compétent, me présenta une sélection de ses dernières réalisations. On le sent héritier d’une longue tradition, assidu dès potron-minet au montage de ses plus belles pièces, sous le regard bienveillant de sa mama travaillant la pâte à pizza avec amour. C’est pour lui un sacerdoce où la finance n’a pas sa place. Pour preuve, il cède ses chefs-d’œuvre avec une ristourne de 60 %.


Sensible comme je suis, j’en avais la larme à l’œil. Pas longtemps d’ailleurs, car la brutale intervention de ma chère tante Apolline mit un terme à mon épanchement lacrymal : « Franchement, ils nous prennent pour des jambons ! Le couillon qui achète ça n’a pas l’impression de se faire enfler ? Songe mon petit que la lucidité est une vertu qui nous libère de nos illusions».


L’édition, c’est (aussi) un business

Je ne voudrais pas terminer cette chronique hautement intellectuelle sans vous déconseiller un livre. J’ai en effet dans mon salon une pile d’ouvrages qui attendent désespérément d’êtres lus. Ces derniers proviennent essentiellement d’auteurs ou d’éditeurs amis. Décidé d’y mettre un peu d’ordre, j’en ai extrait un exemplaire dont j’ignore la provenance mais qui a néanmoins attiré mon attention.


« Un signe de toi » c’est son titre. L’auteure en est la veuve du présentateur télé Jean-Pierre Pernaut.

Si je compatis bien volontiers à la douleur qu’engendre la perte d’un être aimé, je comprends moins qu’on l’étale d’une manière aussi indécente… à moins que l’on y voit une opportunité financière.

Ce que sans doute a bien compris son éditeur malin, dont on constate qu’il a bien retravaillé le texte en prenant soin d’utiliser de gros caractères en double interlignes afin d’étirer l’ouvrage au maximum et justifier ainsi d’un prix rémunérateur.


L’auteure se délecte à nous conter par le menu le quotidien de la maladie de son époux jusqu’à l’issue fatale. Comme ce n’était sans doute pas suffisant, nous avons droit à l’après… car même mort, le cher disparu reste présent par des interventions dont sa veuve nous prouve la réalité au travers de photos. Nous retiendrons : « Le matin au petit déjeuner, en larmes, regardant le portrait de Jean-Pierre, un cœur apparait aussitôt dans mon bol de café ». « Entrant dans ma douche, J-P m’envoie un signe sous forme de cœur sur le carrelage ». « Une amie médium m’annonce par téléphone que J-P va apparaître au travers d’un papillon… Aussitôt ce dernier vient se poser au bord de la fenêtre ».


Je vous épargne la suite, salmigondis de théories et d’expériences aussi fumeuses que farfelues qui devraient ravir les gogos crédules.

Pourtant, après ces épanchements authentiques et ô combien bouleversants, je ressens un fort sentiment de culpabilité.

Sans doute n’ai-je pas assez aimé ma maman pour ne pas recevoir un signe d’elle dans un plat de choucroute….




Alain Mouginet


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