Chronique d’un fugueur fossoyeur…
Humour satirique: Le Théorème du pistonné…
Par Alain Mouginet, écrivain, ancien éditeur, demeurant sur le Bassin.
26/10/24
Je ne sais pas vous, mais moi j’aime bien les Suisses. Attention ! Je n’évoque pas ici le « Petit Suisse » cet abominable cylindre crémeux, spécialité fromagère, entourée à l’époque d’un papier paraffiné qui vous collait aux doigts, et que ma mère persistait à me faire avaler sous prétexte que c’était bon pour la santé. Sa seule vue me provoquait des haut-le-cœur, c’est dire !
Le petit Suisse
A ce propos, voici encore une appellation usurpée. Rien d’Helvète dans cet ersatz de fromage qui nous vient en fait de Normandie où, au milieu du XIXème siècle, une fermière de la commune d’Auchy-en-Bray le concocta. Cette brave femme employait un vacher qui se prétendait, le bougre, d’origine Suisse. Ces deux êtres esseulés se retrouvaient le soir dans la pénombre bienfaisante de leur étable, dont les foins odorants favorisent, comme chacun sait, l’éveil des sens. Et c’est donc en l’honneur de son employé que la mère Héroult – c’était son nom – baptisa son fromage « Petit Suisse ».
Y avait-il un rapport avec une partie précise de l’anatomie de ce brave homme ? Je ne saurais l’affirmer, par contre nous avions bien là, déjà, les prémices de la célèbre émission littéraire « L’amour est dans le pré ».
Mais revenons à notre sujet…
Des portes grandes ouvertes
J’aime donc tous les Suisses, les Suisses français qui parlent français, les Suisses italiens qui parlent avec les mains, les Suisses allemands qui parlent le borborygme, et même les Suisses romanches qui eux, devraient s’abstenir de parler. Vous l’aurez compris, ce pays est une mosaïque d’ethnies où les migrants sont les bienvenus, sous réserve bien sûr qu’ils ne pointent pas au RSA.
Ils sont affables et n’hésitent pas à ouvrir généreusement les portes de leurs banques afin d’accueillir les petites économies des épargnants étrangers parcimonieux. Ce sont également de grands sportifs, qui, dès leur plus jeune âge, aiment nager dans l’opulence. Bref, c’est un pays calme, qui cultive avec bonheur sa neutralité et ne connaît pas de problème de budget, raison pour laquelle ce peuple s’ennuie d’ailleurs mortellement.
Mais qu’il se rassure, cette période idyllique touche à sa fin.
Un Tonton fossoyeur (et donneur de leçons…)
Avec la venue de Tonton Bruno, le vers est dans le fruit. Après avoir plombé avec constance les finances publiques françaises, notre ex-ministre de l’économie a été recruté dans une prestigieuse école suisse afin d’y dispenser des cours « sur les sujets économiques et géopolitiques ». Le résultat risque d’être explosif ! Le choix s’est porté sur lui grâce à son brillant CV et à la qualité de son travail.
Photo: Ecole Polytechnique de Lausanne
Il peut en effet justifier d’être le ministre resté le plus longtemps en poste depuis la seconde guerre mondiale (sept ans), d’avoir réussi pendant cette période à augmenter la dette de plus de mille milliards et de faire passer le déficit de 3% à un peu plus de 6%. Beau parcours couronné dernièrement par la découverte d’un trou de cinquante milliards supplémentaires entre les prévisions du début d’année – gravées dans le marbre – et la réalité actuelle. Personne n’a mieux fait depuis des lustres.
Heureusement, ce n’est pas l’évaporation de quelques milliards qui entamera la détermination de notre Bruno à enseigner, grâce à son expérience, la méthodologie pour flinguer les finances publiques.
Si ses étudiants assimilent bien ses préceptes, ils auront l’opportunité, plus tard, de procéder à une dévaluation du Franc suisse en songeant avec nostalgie à leur cher professeur.
Une embauche qui passe mal
A son embauche, notre impétrant s’est fendu d’un petit discours dont nous retiendrons l’essentiel : « Je vais à nouveau enseigner et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’attends de retrouver les étudiants pour pouvoir échanger, transmettre, comprendre le monde qui vient.»…
Seulement voilà, question accueil, on a connu plus chaleureux. Les murs de l’université se sont aussitôt couverts de tags hostiles : « Bruno casse-toi », ou encore: «Bruno Le Maire écrit des livres sur son zizi et coule l’économie de son pays. C’est ce que vous voulez nous apprendre?» (Référence à son ouvrage érotique «Fugue américaine», paru en 2023).
Et comme si cela ne suffisait pas, l’ancien gouverneur de la Banque de France, Jacques de Larosière – un garçon qui sait compter les sous – enfonce le clou en qualifiant son bilan à Bercy de « déplorable ».
Pas d’inquiétude cependant, comme tout bon politique qui se respecte, il saura rebondir, ignorant superbement le théorème du pistonné de Bruno Masure : « Tout protégé de la Direction plongé dans une entreprise subit une poussée de bas en haut au moins égale au volume d’incompétence déplacé»…
Alain Mouginet
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