Livres : Yellowstone, un thriller (français) d’anticipation de L. Albar.
Vous avez aimé Blade Runner ? Vous allez adorer Yellowstone …
25/12/15
Quel monde voulons nous pour demain ? (C’est vous qui voyez…). C’est la question que pose Ludovic Albar dans Yellowstone.
Si vous avez aimé Blade Runner, vous adorerez Yellowstone. D’ailleurs, au fil des pages, on imagine aisément l’adaptation sur grand écran de cette histoire …
Un ambiance glauque, un héros si humain, désabusé, qui veut y croire encore un petit peu, mais pris au piège d’une situation qui le dépasse.
Dans ce roman géopolitique, le monde dépeint dans les années 2050 n’est que l’héritage, le prolongement de celui d’aujourd’hui. Et s’il s’annonce comme Thriller, on lui préféra celui d’anticipation. Publié en 2014, on peut même dire prophétique, au vu de l’année passée. Attentas fanatiques partout dans le monde, montée des extrémismes dans toute l’Europe, sécurisation à outrance…
Ce cri désespéré sur le futur de l’humanité, dépeint une simple extrapolation des politiques d’aujourd’hui poussées à leur paroxysme. Là où, à force de renoncement, de repli communautariste, de lâches compromissions avec la gestion de notre environnement, l’humanité sera conduite.
Le récit
Le début est déroutant, une écriture à la première personne, serré, nerveuse, des phrases comme des coups de poing. On a du mal à comprendre l’intrigue qui se joue. Le lecteur baigne juste dans une époque sombre, violente, où le fanatisme, la haine et la corruption mènent la danse. En 2056, la terre agonise sous le réchauffement climatique et la pollution. Les conflits inter-ethniques, l’exploitation maximales des ressources, la recherche du profit à tout prix, la rendent invivable.
Alors, les élites préparent leur évacuation sur Mars, à partir de la Lune, avec des vaisseaux que se disputent les USA et la Fédération Panasiatique menée par la Chine. Et dans ce contexte déjà apocalyptique, le super-volcan Yellowstone, et ses trente kilomètres de diamètre de cratère se réveille et crache les poussières de l’enfer, plongeant l’hémisphère nord dans un hiver de cendre.
Albar nous la joue maximum, y compris coté technologies. Le héros est bourré de nano-cellules auto-rechargeables pour éviter les maladies et les souffrances. Le clonage des humains est une réalité. A bien y réfléchir (et c’est l’invitation de l’auteur), tout ça pourrait bien finir par arriver, au rythme des avancées scientifiques. Mais peut-être est-ce un peu tôt 2050…
Notre avis
Nous avions croisé l’auteur lors de sa venue au salon de Thrillers à Gujan. Quelques échanges avaient suffi à pressentir un phénomène. Et effectivement, L. Albar a écrit ces 360 Pages avec son cœur et ses tripes. Cela se sent. Il livre un roman noir haletant où l’humour permet d’éviter de sombrer dans le « c’est foutu ». C’est un bouquin qu’on a du mal à lâcher en cours de route, pour le reprendre le lendemain. Parce que c’est une vision du futur qui fait froid dans le dos, parce qu’on voudrait que ça ne soit pas possible.
Nos petits enfants nous dirons « vous le saviez et vous avez laissé faire ». Et nous n’aurons aucune excuse…
Le Résumé (4eme de couverture)
Dans une Europe gangrénée par des états-policiers, les fascismes ethniques, la déroute citoyenne, Frank Malissol, recruté par le Bureau des enquêtes fédérales, devient un flic d’élite. Envoyé à Paris, il est chargé d’une mission à haut risque : enquêter sur les dérives du Département de contrôle des Zones, ces no man’s lands où s’entassent les « Feujs », les « Barbus », les « Niaks » et les « Slavos ». Mais traquer les origines de l’explosion sociale a un prix : accepter d’être le poing de l’État ou son cerveau malade….
Vous pourrez lire un extrait ci-dessous.
IB Pratic : Editions Mnemos. ISBN : 978-2-35408-279-6 / octobre 2014 / grand format, 360 pages / 21€. Pour commander directement à l’éditeur, cliquer ici.
Ludovic Albar est aussi connu pour son cycle Quantex (contraction de Quantum Cortex), publié entre 2002 et 2005. Voir ici, pour plus d’infos.
Michel Lenoir
C’est gratuit
Extrait (début du roman)
« FIN D’ÉPOQUE
J’émerge… Mal de tête. 19h45. Encore un after qui s’est mal terminé. Défonce. Descente. Solitude d’un dégoût. Dans mon lit. Non. C’est trop dur, trop froid. Je suis par terre. Visqueux. Ça coule sur le sol sous un limon de résidus chimiques. Des fers à béton gangrenés par la rouille et le sang. Qu’est-ce que ça pue ! Et je peux pas me relever, c’est interdit. Ça y est. Ça me revient. La dictature. Elle est ici, je l’entends. Elle est partout. Là-haut dans les rues. Les explosions, les rafales, ces hurlements qui les acclament. À la surface. Sous la surface. C’est à cause d’elle que je suis là. Elle s’est répandue dans nos têtes. Elle s’est couchée comme une ombre sur nos peurs, ce voile devant nos regards qui glissent sur le sol pour pas affronter ceux des autres, ceux qui nous gênent, ceux qui nous volent, nous pillent, nous haïssent, tous ceux qui nous effraient. Elle est ici. Je me souviens… On l’a nourrie. On la nourrit toujours. Résignation. Nos soumissions. Avide, elle nous a cueillis comme des fruits trop mûrs, s’emparant de nos vies pour cadencer nos jours, pour interdire nos nuits, surveiller nos boulots quand on en avait un, décider de nos loisirs, pour disséquer nos gestes, nos idées, ressentir nos soupirs. Et elle est là, encore. Dans l’État qui s’étend bien plus vite que la sécurité qu’il prétend assurer. Le droit régresse, ne restent plus que les devoirs et les ordres qui claquent pour les faire accomplir. Là-bas, ici, là-haut. Partout ! Et nous, on a rien dit. Ceux qui ont dit malgré la peur sont portés disparus, en absence ou en faute. Et là, on ne dit rien. On ne dira plus jamais rien. Obéissance. Courbure des têtes. Douleur des dos qui ploient sous la charge des siècles. Ankylose d’un nouveau millénaire pour l’Homme estropié qui acquiesce. Au hasard on détourne les yeux de la rafle qui emmène l’Autre, le voisin, on évite les barrages d’un haussement d’épaules. On rentre docilement avant le couvre-feu qui ne devait pas durer, seulement quelques nuits, le temps que les choses s’arrangent, que les criminels soient débusqués, mis hors d’état de nuire, les terroristes éradiqués au prix de la guerre juste, universelle, que mène le Bien contre le Mal. Le conflit éternel. Et l’État, perpétuel. Elle est là. Elle est partout. Elle est l’espace, cette flaque de bitume sous la canicule qui nous fige sur place, nous empêche d’aller, nous interdit de revenir. Elle est le temps. La seconde s’étire pour fondre l’aube au crépuscule en une seule nuit, une entropie de gris et de silences qui vient s’abattre sur nous. La dictature. Totalité de son emprise. Totalité de sa respiration. Fatalité de son système. Et moi je la vois telle qu’elle est… Je la sens approcher, je la connais mieux que personne. J’en suis l’un des innombrables bras, l’une des mains sans lesquelles elle ne pourrait ramper dans nos rues par-dessus les cratères des bombes, grimper sur le béton fissuré et les moisissures de nos murs pour s’insinuer dans les refuges de ceux qui pensent encore en avoir un. De l’intérieur je la vois telle qu’elle est et non comme elle se pare. Je la vois comme elle veut devenir. Je la vois se repaître et boursoufler telle une peste sous la peau trop tendre des rares démocraties qui lui survivent encore. La République ? Un chapitre de plus dans les e-manuels du Réseau. L’Union est moribonde et l’Europe agonise avec elle. Le monde, trop occupé à surnager. L’ONU ne soupire plus. L’indignation n’est qu’une perte de temps dont la cyberfinance ne peut tirer aucune espèce de bénéfice. L’urgence n’est plus qu’à la survie… »
Un très grand merci à Michel Lenoir, dont je viens juste de découvrir la chronique sur Yellowstone.
Dire que j’en suis très heureux serait un peu faible…
Je le suis autant plus touchée que, effectivement, c’est la première critique écrite depuis les évènements qui frappent notre pays, et comme le bouquin est sorti il y a déjà un an, je me demandais comment cette histoire pourrait être perçue maintenant.
C’est très sympa en tout cas, pour un auteur, de lire des choses positives pour terminer 2015, et commencer bientôt 2016 avec l’écriture de la suite.
L. Albar