Livres : Roquebert avant le nautisme à Claouey, et la plantation des Dunes par Brémontier
Littérature : Les souvenirs d’une figure du Bassin ancien expat à Madagascar, et un Mémoire de Brémontier qui entraina la plantation des dunes entre La Garonne et L’Adour…
5/08/21
« La source du Manangarezo » , par Bertrand Roquebert
L’histoire
Le Manangarezo serpente sur la côte Est de Madagascar. Ceux qui ont bu l’eau de sa source enchantée reviennent toujours à Madagascar pour la boire de nouveau. Parmi eux, un jeune entrepreneur aventureux a voyagé dans tous les coins de cette brousse magnifique pour construire des ponts, des routes et des bâtiments. Ce récit se déroule dans les années soixante-dix, peu après l’Indépendance et juste avant la descente inexorable vers le sous-développement durable.
Il raconte sa vie, ses chantiers, ses rencontres : « J’avais vingt ans et la vie devant moi. J’avais dans la poche un ticket d’avion aller simple pour l’Océan Indien. J’allais servir la France et j’allais bien savoir changer le visage du tiers-monde ». « Parce que là-bas, sur la côte Ouest, quand la nuit tombe, le ciel, la terre et la mer se confondent, les couleurs s’estompent, le blanc et le noir se mélangent. »
Parfois drôle, toujours tendre, son histoire d’amour avec Madagascar a bouleversé sa vie.
L’auteur
Bertrand Roquebert a créé et dirigé pendant 30 ans le chantier naval Nauti Boy à Lège – Cap Ferret.
De sa petite enfance à Conakry, il gardera un attachement indéfectible au continent africain. Après des études à Bordeaux puis élève-ingénieur à l’Ecole Spéciale des Travaux Publics, il part pour Madagascar effectuer son service militaire. Il y restera huit ans pour construire des ponts, des routes et des bâtiments. Il s’envole ensuite pour une nouvelle aventure pendant les cinq années suivantes au Mali. Puis viendra se poser sur le Bassin.
Ce qu’on en pense
Partir à l’étranger, en vacances mais surtout pour y travailler, et particulièrement à Madagascar, réserve son lot de surprises et de rencontres. Dans cet ouvrage, Bertrand Roquebert, jeune ingénieur expatrié, devra faire face à des situations et des personnages qui vont aussi le construire peu à peu. L’auteur écrit avec son cœur. Mais avec le recul des années passées et le filtre de l’expérience, son récit gagne en profondeur. Ecrit d’une plume bien maîtrisée où l’humour côtoie la colère sourde, l’auteur porte un regard profondément humain mais lucide, sur les hommes et les femmes qu’il va croiser. Ce livre, indémondable et superbement illustré, est paru en 2016 et est toujours édité.
Un voyage à Madagascar, où le politiquement correct n’a pas sa place, garanti dépaysant, qui ne vous laissera pas indifférent(e)…
IB Pratic : La source du Manangarezo de Bertrand Roquebert, éditions Les trois colonnes, 346 p, 22€. A commander chez votre libraire préféré ou sur internet chez Decitre, Amazon Cultura ou Fnac
« Les Dunes et les plantations de pins sur la cote Gasconne au XVIIIe siècle », par N. Brémontier
L’histoire
Publié à la fin du XVIIIe siècle, le Mémoire de Nicolas Brémontier est un document rare, jamais réédité à ce jour, et pourtant essentiel pour comprendre l’évolution et la métamorphose géographiques qui se sont opérées au cours des décennies suivantes sur la côte aquitaine.
Si Brémontier ne fut pas l’inventeur des différentes techniques pour contenir l’avancée des masses de sable, c’est à lui que l’on doit leur application dans des proportions gigantesques.
Son texte nous offre à découvrir la côte gasconne du XVIIIe siècle, quand les dunes menaçaient encore d’ensevelissement ses communes.Il permet aussi de mesurer la vaste entreprise qui allait remodeler le littoral aquitain en couvrant de végétation et en stabilisant les monts de sables mouvants.
«Tous ces sables sont sortis de la mer, et continueront de s’en échapper tant que ces vents seront les mêmes. On doit donc présumer que les dunes augmenteront journellement ou d’étendue ou de volume, et que si cette cause ne cessait pas, elles acquerraient par la suite une hauteur aussi considérable que celle de nos plus hautes montagnes ; et l’on ne peut révoquer en doute que le riche territoire des environs de Bordeaux ne puisse être couvert un jour de 3 ou 400 pieds de sable.»
Au XVIIIe siècle, sur la côté aquitaine, les masses mouvantes de sable sont une menace permanente pour les communes littorales. Par le passé, les habitants de Mimizan ou de Soulac ont dû déplacer leur village devant l’inexorable avancée des dunes « vagabondes ». La Teste est elle aussi grandement menacée d’ensevelissement par les montagnes de sable toutes proches.
L’autorité royale se désintéresse des problèmes de ces contrées lointaines et ne répond pas à l’appel de ses habitants. Il faudra le projet de creusement d’un canal entre la Garonne et l’Adour (en passant par le bassin d’Arcachon) pour qu’elle se penche enfin sur ce phénomène séculaire. Car ces sables mouvants obstruent les cours d’eau qui se jettent dans l’océan ; ceux-ci, en refluant, inondent les terres, créent des marais, et les lacs que nous connaissons aujourd’hui.
En 1778, un ingénieur du génie maritime, Charlevoix de Villiers, est envoyé en Guyenne pour étudier la possibilité de stabiliser ces dunes. Il parcourt les terres et les côtes, fait de nombreux relevés et rédige cinq mémoires avant de quitter la région.
À sa suite, c’est un autre ingénieur ‒ des ponts et chaussées ‒, Nicolas Brémontier, qui est chargé de poursuivre cette mission. Jusqu’alors, celui-ci ne croyait pas en la possibilité de lutter contre l’avancée des sables. Mais, après avoir pris connaissance des travaux menés depuis la première moitié du siècle par les captaux de Buch, autour de La Teste, des écrits et des réalisations des frères Desbiey, sur la côte landaise, ainsi que des mémoires de de Villiers, il change d’avis. Il étudie à son tour la région, s’inspire de ses devanciers et rédige le présent mémoire, qu’il remet aux autorités.
Bien vu à la cour, il saura la convaincre, ainsi que les gouvernements qui se succéderont, de financer le vaste projet de fixation des dunes entre la pointe de Grave et l’Adour.
C’est ce document, capital pour comprendre la métamorphose de la côte gasconne, que les éditions Le bas du pavé proposent de découvrir, avec une mise en pages nouvelle, accompagnée d’illustrations anciennes et de photographies contemporaines de dunes.
C’est une invitation à découvrir la côté aquitaine sur laquelle, à l’exception de quelques forêts antiques, domine alors une immense chaîne de monts de sable. On y croise encore des bergers perchés sur leurs échasses, qui surveillent leur troupeaux de vaches ou de chèvres broutant la maigre végétation croissant sur les dunes.
Ce qu’on en pense
Fred Morisse mène son bonhomme de chemin et sa petite maison d’éditions située à Gujan-Mestras s’étoffe régulièrement de jolies parutions.
Comme par exemple, ce mémoire de Brémontier dépouillé de toutes les parties financières indigestes qui se lit comme un roman et on devine au travers d’un récit très administratif, les affres d’une époque où la région n’était pas si facile à vivre et qui rappelle la lutte des anciens habitants de la côte contre l’invasion des sables.
Ce livre est à découvrir et à conserver dans sa bibliothèque pour comprendre l’évolution du Pays de La Teste de Buch. Des gravures d’époque, des dessins d’Effaim et des photos complètent et enrichissent cet ouvrage fort bien venu.
On vous invite aussi à regarder les autres ouvrages de cet éditeur volontariste dont l’action est justifiée par cette sentence de Howard Zinn, en tête de son site : » Tant que les lapins n’auront pas d’historiens, l’Histoire sera racontée par les chasseurs »…
IB Pratic : « Les Dunes et les plantations de pins sur la cote Gasconne au XVIIIe siècle », par N. Brémontier. Ed Le bas du pavé, Collection Hors sentiers, 128 p, 20 illustrations, photographies et cartes anciennes, 12 photographies contemporaines, 12€. Disponible dans les librairies et Maisons de la Presse autour du Bassin / Val de l’Eyre ou à commander sur le site de l’éditeur
Michel Lenoir
C’est gratuit