Les jeunes du Bassin ont la parole : Au secours, mes parents louent notre maison …

2/08/15

Comment  survivre à  subir la location saisonnière de sa maison ?


C’est devenu un sport local sur le Bassin. En cinq ans, les offres de locations de particulier à particulier ont explosé. Tout le monde s’y met, pour avoir sa part de la manne touristique. Jeanne, lycéenne en terminale, nous raconte comment elle a vécu la situation quand sa mère a décidé de louer sa maison à des touristes, et qu’elle a du déménager … dans le garage. Elle écrit ça avec humour et franchise. Un petit billet de saison.  

Michel Lenoir

Directeur de Publication


ado location maisonCet été, ma mère a eu la brillante idée de louer notre maison. Alors, on a du transformer notre garage en mini-maison. Ce que les gens appellent une « annexe », mais que moi j’appelle encore Le Garage.

La première fois, c’était l’an dernier. Je peux vous dire que ce n’était pas une mini-maison. C’était plutôt un mini-débarras. J’en garde un très mauvais souvenir. Très mauvais : mon petit-frère, ma mère, mon grand-frère, mon chien, et moi dans cet endroit .


L’odeur du port dans la maison

Mon grand frère bossait l’été dans un restaurant sur le port ostréicole. Vous la connaissez vous aussi, cette odeur de bulots ? Il nous la ramenait tous les soirs, comme si celle de la poubelle ne suffisait pas. Le problème c’est que, mon frère, c’est difficile de le laisser dehors la nuit. Ou de sortir son sac. Alors on le garde.


L’artisan qui parle aux meubles

Je dois aussi vous parler du gars qui venait faire les travaux dans ce gara… « annexe ». Il devait avoir fini en juin, mais il nous aimait tellement qu’il est resté. Tout l’été. Toute la journée, tous les jours. J’ai rarement connu quelqu’un qui se plaignait autant. Il pétait des crises sur les meubles, leur criait dessus… Oui, parce que les meubles l’entendaient. Mieux que ça, ils l’écoutaient.

Enfin bref tout ça pour, au final, avoir un tiroir dans la « cuisine », qui ne peut s’ouvrir que lorsque la porte de la salle de bain est fermée. Elle pèse trois tonnes cette grosse vache. Et pour la fermer il faut forcer la poignée à mort sinon la porte fait une danse pas possible… Elle nous nargue. La danse de la nargue : « T’as vu, j’me fermerai pas. Ah, tu veux le décapsuleur ? Bonne chance héhé !… ». Pire que mon petit frère.

Et puis cette salle de bain… J’en suis traumatisée depuis que j’ai fait un malaise dedans l’an dernier. J’étais tombée malade. La maladie des bulots sûrement. Je suis tombée sur le sol de cette salle de bain aussi pâle que ma face à ce moment-là. Traumatisée.

Donc bon.

Et quand on est habitué à avoir une piscine, une télé dans le salon, à dormir tout seul dans sa propre chambre, et avoir de l’espace pour jouer de la guitare, des trucs d’enfants gâtés quoi, c’est bien pénible quand on n’a plus ça .


Ma mère me saoule : que faire ?

Vient le problème majeur, de tout ado : quand ma mère me soule. Grave. Comment faire ?

A la maison, j’aurais eu plusieurs options, comme par exemple :

→ Option n°1 : m’enfermer dans ma chambre (70% du temps, impossible. Ce n’est même pas ma chambre.)

→ Option n°2 : aller en bas pour jouer, crier… (impossible)

→ Option n°3 : Mettre la musique à fond et danser – ou pleurer (impossible)


Mes nouvelles copines

Alors, seule solution: me barrer. A deux minutes de chez moi. Ca, c’est de la fugue. Je prends mon vélo et en deux minutes j’arrive à un petit bois où se trouvent, derrière une barrière… des chèvres. Et des poules.

Le rêve. Alors je leur parle. Nan, en vrai je parle tout seule. Mais je prends un air gaga comme si je leur parlais, à elles, au cas où quelqu’un se pointe derrière moi. Mais remarque, ça a l’air ridicule dans les deux cas. Là-bas je peux pleurer, me lamenter de la misère (relative certes) dans laquelle je vis.

Et alors bien-sûr quand mes amis se ramènent pour me dire qu’ils partent en vacance, il m’arrive de les détester. Les haïr profondément.

Alors je me plains ! Et je me dis qu’après tout, les chèvres, elles, peuvent devenir mes amies. Non ? Elles qui comprennent et endurent la même misère que moi. Alors c’est décidé. Amies.

Jusqu’à ce qu’elles partent en vacances à leur tour.


Jeanne W.


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Comments

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2 comments on “Les jeunes du Bassin ont la parole : Au secours, mes parents louent notre maison …
  1. Si c’est réellement, une ado qui a fait ce billet, elle a toute mon admiration pour son sens de l’humour et la qualité de son écriture que trop réaliste ! Je ne suis pas sûre que sa maman laisse sa maison de gaîté de coeur; Elle est surement très pragmatique, comme lorsqu’on se retrouve à devoir assurer l’avenir de quelques âmes (ce qui est autrement plus important que les états d’âme d’un mauvais moment).

    • Merci pour votre commentaire. Vous avez été très nombreux(ses) à lire et apprécier ce billet. Ne doutez pas de son authenticité. Nous l’avons publié parce que les locations « à la maison » sont un phénomène peu abordé selon le point de vue des jeunes. Jeanne nous a livré une version cash, lucide, subjective et drôle de son expérience et nous avons été séduits par la qualité de sa plume.
      Vous la retrouverez peut-être dans nos colonnes, bientôt…
      Michel Lenoir, Directeur de Publication, InfoBassin.com

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