Chronique militante de l’insulte élégante…
Humour satirique : Insulter, oui, mais avec panache!
Par Alain Mouginet, écrivain, ancien éditeur, demeurant sur le Bassin
Je ne sais pas vous, mais moi je suis – en général – respectueux du code de la route. La vie en société est déjà assez compliquée sans avoir à y ajouter un zeste de manquement.
Or, cette semaine, rentrant chez moi à vitesse réduite, comme le conseille le panneau « 30 » apposé à l’entrée de l’allée en sens unique qui dessert mon home, je me retrouve nez à nez avec un automobiliste, sans doute distrait, que je semble gêner dans sa manœuvre interdite.
Certes, le génial Pierre Dac considérait que « un sens interdit, en somme, ce n’est qu’un sens autorisé, mais pris à l’envers ».
Une parole aimable transforme une journée…
Baissant ma vitre, je lui fais remarquer – poliment et avec le sourire – qu’il s’est fourvoyé, se retrouvant ainsi dans le mauvais sens de circulation. Baissant la sienne (de vitre), une tête hirsute et agressive semble s’en éjecter en éructant « T’es de la police ? Je t’emmerde vieux con ! ».
Bon, les présentations étant faites, ce riche échange me laissa dubitatif mais rassuré, songeant qu’effectivement il manquait à cette journée finissante la rencontre rafraîchissante de l’abruti de service, sans qui ces dernières vingt-quatre heures m’auraient laissé aussi désemparé qu’interrogatif sur l’évolution des mœurs de notre société.
Car évolution il y a…
Le vitupérant Président au train de sénateur
J’en veux pour preuve la saillie de notre Gégé national. Non, pas le grand acteur d’habitude si volubile… et pourtant bien discret ces derniers temps, mais notre Gégé sis au palais du Luxembourg, inamovible Président qui semble planté là depuis la nuit des temps. J’avoue bien aimer ce digne représentant de la France des terroirs, n’abandonnant son perchoir que pour rejoindre, avide, la luxueuse cantine du sénat où ses quatre cuisiniers lui concoctent de délicieux plats diététiques à base de gibiers.
Voilà un être jovial, au teint rosé de l’épicurien ne se contentant pas de sucer des glaçons, et qui, sans renâcler, prouve au monde entier sa vitalité et la qualité de la gastronomie française en s’empiffrant au risque de se faire péter la sous-ventrière.
Eh bien, me croirez vous, ce troisième personnage de l’Etat, homme débonnaire, mesuré, tombe dans la plus infâme grossièreté en lançant un retentissant « Ferme ta gueule !» au gentil camarade Giang Luç Me Làng Chông.
Certes, ce dernier n’est pas en reste pour dézinguer à tout va (traiter le Président Hollande de « capitaine de pédalo » avait au moins le mérite d’être drôle).
Mais là, le patron de LFI semble touché au plus profond de son être. Il paraît – mais je ne garantis rien – que ce dernier, connu pour une sensibilité de jouvencelle prépubère, dont les racines plongent au plus profond du romantisme, a éclaté en sanglots.
Et, dans un dernier murmure, il hoqueta : « Tous peuvent entendre, mais seuls les êtres sensibles comprennent ». On m’affirme que depuis, il a rejoint une congrégation faisant vœu de silence…
Au temps béni de la IIIème, ça avait quand même de la… gueule
Ainsi, après le « cass’toi alors pauv’con ! » de notre ex., c’est le tout Etat qui renoue avec délice dans les invectives dont la IIIème république, entre autres, était friande. La « Gazette de France » en date du 11 août 1884 recensait les insultes adressées entre parlementaires lors d’une session au Palais Bourbon : « pleutre – lâche – valet de la ploutocratie – fripouille – salopiaux – tas de vermines – tas de mufles – crétin – punaise ministérielle – flibustiers – banqueroutiers – servile réac ».
Mention spéciale à deux qualificatifs dont la teneur me paraît bien obscure : « Vous êtes un marquis de trou-bonbon » et « politicien bistré duc de la marmelade ».
Nos élus ont donc encore bien du chemin à faire avant d’atteindre l’excellent niveau de leurs anciens confrères, mais j’ai confiance, ils sont sur la bonne voie…
Alain Mouginet
Retrouvez les anciennes chroniques d’Alain Mouginet, ici
Téléchargez notre application gratuite, et recevez nos infos directement, en cliquant sur les icônes !
ou sinon