La Teste : Les flingues sont dégainés pour l’après incendie…
Le feu de La Teste prend désormais un tournant politique. La recherche (ou l’attribution spontanée…) des responsabilités sur la propagation de l’incendie a déjà démarré.
22/07/22
La Teste-de-Buch
Le point jeudi soir à 23h…
Le feu ne progresse plus mais des foyers restent actifs notamment dans la forêt usagère. 7000 hectares de forêt ont été brûlés depuis le début de la crise.
Depuis 17h00, ce sont 3500 habitants d’une partie du quartier du Pilat, au nord de la RD218 qui ont pu regagner leur logement.
L’incendie n’est pas fixé et les vents toujours présents ne permettent pas malheureusement de réintégrer le reste de la population, sur les secteurs Cazaux, Miquelots – Portes de l’océan, Zone d’activité Sud. Des fumerolles notamment, sont toujours présentes sur Cazaux.
Pour les habitants de Cazaux qui doivent nourrir leurs animaux, un nouveau convoi va être organisé ce vendredi matin si les conditions le permettent. Il se fera par bus et sous escorte, avec pièce d’identité, au départ du Parc des Expositions. Rendez-vous sur site à partir de 9h30.
La route départementale D218 est partiellement ré-ouverte à la circulation (la partie Sud restant coupée).
La navigation de plaisance sur la partie ouest du lac de Cazaux-Sanguinet ainsi que la navigation et le mouillage sur le secteur de la passe sud d’entrée du bassin d’Arcachon restent interdites.
Les recommandations sur les mesures à appliquer en raison des fumées, notamment sur le nettoyage à adapter pour vos habitations, vos aliments dans votre jardin, ou bien l’eau potable qu’il faut purger en la laissant couler avant de la consommer sont sur nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/
Après le feu...
Le feu sur La Teste n’est pas encore éteint qu’un autre incendie, politique celui-là, commence à enflammer les paroles des élus et des parties prenantes de la société civile.
Ministre, Président du Sénat, Président de la République, les grands manitous de la politique sont venus pour écouter les explications des pompiers sur l’évolution de la situation. Bien sûr, cela aura mis du baume au coeur des soldats du feu, de tous les acteurs terrain et des bénévoles.
Au-delà des pompiers, qui auront durement été éprouvés dans leur mission, la spontanéité et la générosité des habitants d’ici pour aider, chacun à sa mesure, dans son domaine de compétence, méritent d’être souligné encore aujourd’hui.
Et après? Il va falloir tirer des leçons de ce terrible sinistre…
Le feu, la faute à qui, à quoi ?
Devant l’étendue des dégâts, considérables au plan environnemental et économique, les couteaux commencent à s’affûter.
Le camion à l’origine du feu…
Lors d’un point presse pendant que le feu crachait de gigantesques flammes, Patrick Davet, le maire de La Teste, affirmait : « Certains devront rendre des comptes » en ciblant les élus écologistes sur le plan de gestion de la Foret usagère. (voir plus bas)
Gérard Larcher, président du Sénat avec Bruno Lafon, Président de la DFCI et maire de Biganos
Bruno Lafon, président de la DFCI* d’Aquitaine et maire de Biganos, a, de son côté, clairement exprimé au Président du Sénat Gérard Larcher, venu au PC feu à La Teste, l’urgence d’obtenir au plus vite des renforts aériens, et la nécessité de pare-feux plus importants.
Idem pour Jean-Luc Gleyze, le président du Département de la Gironde qui demande davantage de moyens aériens et que ceux-ci soient basés en Gironde, arguant que les calculs pour les financements sont basés sur une démographie de … 2002.
(*Défense de la forêt contre les incendies)
Les pilotes de Canadair et Dash, pas contents
Une requête allant dans le même sens de la part de Christophe Govillot, pilote de Canadair et porte-parole du syndicat des personnels navigants de l’aviation civile dans une interview à notre confrère Sud Ouest qui peut se résumer en quelques mots: manque d’avions, problèmes de maintenance avec les sociétés qui en sont chargés, appareil vieillissants, manque de pilotes, etc. « À notre direction, aux politiques, je dis simplement : Ouvrez les yeux, donnez-nous les moyens de travailler. Des efforts ont été faits mais la réponse n’est pas à la hauteur. Avec le réchauffement climatique, on ne va pas vers des étés plus sereins. Chacun est face à ses responsabilités, nous assumons les nôtres, à nos décideurs de prendre les leurs ».
L’entretien des sentiers et des pare-feux
Au sol, l’entretien des sentiers d’accès est aussi au centre du débat : La Défense de la forêt contre les incendies (DFCI) entretient le réseau de pistes de pare-feu.
Mais les gros propriétaires forestiers, par négligence ou par soucis de rentabilité, sont moins enclins à l’entretien qde kilomètres de pare-feux et de chemins. Les anciens passages, créés par les premiers sylviculteurs, ont fini par disparaître sous les ronces et les jeunes pousses.
La question de l’ouverture de la piste forestière 214, en forêt usagère, pendant la saison estivale
Cette piste où le camion a pris feu, aurait-elle dû être fermée pendant la saison estivale? Seul le stationnement avait été prohibé par la mairie..
Pas de signal pour appeler les secours ?
Selon certaines informations à confirmer, le conducteur du camion aurait essayé d’appeler les secours, en vain, dès que l’incendie s’est déclaré. Pas de réseau. Le temps de marcher à pied pour pouvoir enfin joindre les pompiers, le feu avait pris de l’avance…
La question particulière de la Foret Usagère
La gestion de la Foret usagère sort du domaine commun. Les propriétaires des parcelles ne possèdent pas les arbres. Les coupes rases sont exclues. La vente du bois est interdite. Mais… Les habitants d’Arcachon, La Teste, Gujan-Mestras et du Cap Ferret bénéficient, entre autres et sous certaines conditions, de bois de chauffage et de bois de construction.
Dans une pétition de juin 2021, ayant recueilli plus de 30.000 signatures, (voir ici), l’ADDUFU (Association de Défense des Droits d’Usage et de la Forêt Usagère) expliquait pourquoi elle s’opposait à un plan de gestion du gouvernement, pour que « son écosystème soit ainsi préservé ».
« Couvrant environ 3.800 hectares de dunes littorales anciennes entre Dune du Pilat et Lac de Cazaux, cette forêt millénaire recelait une exceptionnelle biodiversité.
Les textes qui la régissent sont les Baillettes et Transactions, rédigées de 1468 à nos jours.
-Fin 2020, un propriétaire de parcelles a présenté un « Plan Simple de Gestion » visant à ouvrir une brèche dans la gestion de cette forêt.
-Les services actuels de l’État ont choisi d’oublier la particularité de gestion de cette forêt : le risque est imminent que ce Plan Simple de Gestion reçoive une validation qui ouvrirait la voie à une exploitation mutilante et généralisée.
C’est faire fi des règles de gestion multiséculaires et ouvrir une porte à la destruction de ce site unique ! »
Aujourd’hui l’écosystème est décimé. L’ADDUFU et les écologistes sont déjà devenus les bouc-émissaires de la responsabilité de la tragédie.
Mais ce n’est pas si simple…
Le manque de PPIRF* dans les communes
(*Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles d’Incendies de Forêts)
En 2015, déjà, Jacques Storelli, Président de la CEBA dont est membre l’Addufu, rappelait la nécessité du nettoyage de la foret usagère et pointait du doigt dans un courrier à la préfecture le manque de PPIRF sur le Bassin.
« Le Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles d’Incendies de Forêts est un document à l’échelle de la commune qui a une portée réglementaire importante. Opposable aux tiers, c’est une servitude d’utilité publique qui s’annexe aux documents d’urbanisme. Il vise à limiter l’aggravation du risque, réduire la vulnérabilité des enjeux, faciliter l’organisation des secours et informer la population. »
Il écrivait: « L’augmentation de la fréquence des épisodes de sécheresse liée au changement climatique invite à craindre une hausse des départs de feux : http://www.gironde.gouv.fr/content/download/19125/115369/file/tome%202.3_bassin_arcachon.pdf . Pour leur part, les associations membres de la CEBA se sont régulièrement attachées à rappeler à leurs adhérents les règles applicables en matière de débroussaillement.
Mais cela ne peut suffire, et rien ne peut justifier que seules trois communes du Bassin d’Arcachon sur dix (Andernos, Lanton, Biganos) se soient à ce jour dotées d’un PPRIF.
Qu’il nous soit permis de vous demander d’intervenir sans délai auprès des collectivités concernées pour que la situation soit rapidement régularisée au plan de l’arrondissement (17 communes).
Il en va de l’intérêt de la population et de la préservation de l’environnement, sans oublier la sécurité juridique des parties en présence de ce que la jurisprudence rappelle régulièrement. »
De son coté, la présidente de Bassin d’Arcachon Ecologie, Françoise Branger a écrit un billet d’humeur qu’on peut retrouver ici.
Elle y défend l’univers de la foret et conclue par ces termes « Nos larmes ne serviront pas : aucune chance de pleurer assez -même en s’y mettant tous – pour éteindre un feu comme celui-là. Et le mieux, après qu’elle ait brûlé toute, est qu’il faudra s’opposer à la reforestation artificielle de cette Forêt et la laisser revenir d’elle-même, lentement, comme elle est venue la première fois il y a des milliers d’années. Avec la même douceur qu’elle nous a donné chaque jour depuis si longtemps. »
Puis vint Le Président Macron...
Le Grand chef de l’Elysée a déjà fixé le cadre des discussions à venir…
–Replanter la forêt usagère : Oui, le président veut « lancer un « grand chantier national pour pouvoir replanter cette forêt » et « rebâtir ». Le temps des baillettes est-il compté ?
–Aider les campings à se reconstruire : Oui, mais s’ils passent sous la fourche caudine de la Préfecture et acceptent la les règles imposées « On ne pourra pas reconstruire comme avant » (diminution du nombre d’habitations de loisirs, par exemple? )
–Plus de moyens aériens : Oui, mais au niveau européen. « Il faut en acheter plus, mais en Européens. On a besoin d’une flotte européenne, de capacités opérationnelles nationales et de pré-positionnements zonaux, infra-nationaux ». Quand la Grèce et la France brûleront au même moment, comment cela se passera-t-il ?
Pas sûr que ces réponses étaient celles attendues par les élus, les pilotes de canadair, les pompiers, et les forces politiques… et les habitants du Bassin d’Arcachon.
Les flammes ne sont pas encore éteintes, mais l’après-incendie a déjà commencé.
A suivre…
Photos Clément Viala photographe (voir sa page FB ici et son site internet, ici, pour d’autres photos)
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