Humour et Faux Divers : Sarah Bernhardt et sa jambe de bois
Les révélations (excentriques) d’Oncle François : Sarah Bernhardt et sa jambe de bois
19/08/18
Il est bien connu que la grande tragédienne aimait particulièrement le Bassin, où elle a effectué de nombreux séjours, notamment à Andernos, dans la villa Eurêka, aujourd’hui rasée et transformée en immeuble.
Comédienne hors pair, elle pouvait à soixante ans jouer le rôle de l’Aiglon, un jeune homme de 18 ans, et ses contemporains affirmaient qu’elle était capable de blêmir sur scène à l’annonce d’une mauvaise nouvelle.
Tout le monde sait également qu’à la suite d’une tuberculose osseuse, elle avait été opérée à Bordeaux, par le professeur Denucé, qui avait été obligé de l’amputer de la jambe droite.
Elle a alors décidé, pour sa convalescence, de passer plusieurs mois à Andernos, afin de se consolider et de se rétablir après cette lourde opération.
Et c’est là que se déroule un des épisodes les moins connus et les plus étranges de la vie, pourtant pleine de péripéties, de la star.
Comme il s’agissait d’une personne mondialement connue, les médecins avaient décidé de ne pas lésiner sur la qualité de sa jambe de bois, et il avait opté pour un bois précieux, de l’acajou massif. Pour cela, ils firent venir un billot de Côte d’Ivoire, pays réputé pour la qualité de ses bois. Et Jean-Paul Mache-Praux, de Lanton, maitre ébéniste, avait été choisi pour tailler la prothèse. Ce qu’il fit dans les règles de l’art, évitant nœuds et veines du bois.
Avant que cet outil n’ait été installé, Sarah Bernhardt avait continué sa carrière, en assurant tous ses rôles assis, ce qui lui avait valu le surnom de “La mère la chaise”…
Après de nombreux essayages avec Jean-Paul Mache-Praux, la comédienne s’était enfin décidée à conserver sa nouvelle jambe de bois toute neuve, très résistante de et grande qualité artistique, l’ébéniste n’ayant pas hésité à graver dans la matière “Tu peux y aller ma poule, c’est du solide !”
Si, au début, elle est ravie et fière de pouvoir à nouveau se tenir debout (elle inventa pour l’occasion l’expression « Ca me fait une belle jambe », qui est restée dans le langage courant) elle montre très rapidement, des signes de rejet de la prothèse, non pas au niveau du confort : elle se plaint de démangeaisons « insupportables ».
Elle écrit à son grand ami Marcel Proust : « Mon pauvre Marcel, si tu savais comme cette putain de prothèse me casse les burnes ! J’ai envie de la coller dans le fion du chirurgien ! Ça me gratte… ». Preuve de sa douleur incommensurable.
Après une discussion sur le sujet avec Edmond Rostand, celui ci lui aurait posé la question : « Ca vous gratouille, ou ca vous chatouille ? »
Malgré plusieurs consultations chez les spécialistes régionaux et nationaux, la tragédienne n’était pas plus avancée. Elle se grattait la jambe de bois « à se mettre les doigts en sang et à se casser les ongles », écrit-elle dans ses mémoires.
La solution viendra en fait de Corentin Latune, sylviculteur à Lège, et amant occasionnel de Sarah.
Après une soirée arrosée, dans la chambre de la star, au moment de se coucher, le sylviculteur avait enlevé la prothèse de Sarah, pour pratiquer la position dite de la “toupie norvégienne”, incompatible avec un membre raide. Examinant le bois avec l’œil du professionnel, il s’était exclamé : « Mais, Lolotte, t’es bouffée par les termites ! »
Voilà donc l’explication ! Les spécialistes de l’époque avaient juste oublié de vérifier l’état phytosanitaire du bois ivoirien ! Une belle bourde, qui entrainera le suicide du professeur Denucé par absorption massive de capricornes, insectes mangeurs de bois, et de chenilles processionnaires vivantes : il en avait ingurgité plus de trois kilos… Ses derniers mots au moment de son trépas, en se massant l’estomac, seront : « Ca pique…»
Quant à l’ébéniste Jean-Paul Mache-Praux, honteux, il arrêta toute activité professionnelle, entra chez les moines trappistes, et termina sa vie dans la prière et le dénuement le plus total.
Malgré cela, la star, magnanime, pardonna au chirurgien et à l’ébéniste, et opta, pour le reste de sa vie pour un efficace traitement d’insecticides, à grands coups de badigeons et d’injections, ce qui faisait la joie des touristes, venant, ouvrez les guillemets, « regarder Mamie se faire enduire la prothèse », comme l’écrivait poétiquement le correspondant du journal local, la Dépêche du Patelin.
A sa mort, elle léguera sa jambe aux enfants de l’école Jules Ferry d’Andernos, qui en feront des flutes que l’on peut encore admirer dans les vitrines du musée local.
A la semaine prochaine…
Oncle François
Illustration : Copie écran internet
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