EDITO : LA PECHE PELAGIQUE CONTINUE. LES DAUPHINS COMMENCENT À FLIPPER !
L’Oeil au Beurre de Lenoir : C’est assez, disent les dauphins. Stop à la pêche aux filets pélagiques !
11/10/20
C’est l’hécatombe chez les dauphins et ça va continuer cet hiver. La ministre Annick Girardin a choisit cette semaine d’ignorer les recommandations des scientifiques du CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer).
C’est un organisme inter-gouvernemental créé en 1902 qui coordonne la recherche sur les ressources et l’environnement marins dans l’Atlantique nord-est. Il fédère le travail de 1600 scientifiques.
Il recommande une combinaison de fermeture temporaire des pêches de décembre à mars, juillet et août pour permettre aux dauphins, espèce protégée, de survivre.
Pourquoi stopper périodiquement la pêche ?
Parce que les cadavres de dauphins échoués sur les cotes océanes et le Bassin sont dus à la pêche au filet pélagique. Les chalutiers repèrent et suivent les bancs de poissons pour les relever avec des filets de 40m de profondeur et de plusieurs kilomètres de long. Les poissons mais aussi les dauphins qui s’en régalent. Ils sont pris dans la nasse et rejetés à la mer mortellement blessés par les filets ou par les amputations des pêcheurs pour éviter d’abîmer les filets.
La France soutient la filière pêche, d’abord.
Mais la France a choisi une autre voie et ne décrète aucune fermeture. Elle a arbitré en faveur de la filière de pêche, alors que plus de 1.300 cétacés ont été retrouvés morts cette année, selon l’observatoire Pelagis (université de La Rochelle-CNRS).
Les carcasses portaient les traces d’engins de pêche à 85 %. Et les scientifiques expliquent que le nombre d’animaux tués coulant au fond de l’océan est probablement dix fois supérieur.
(Voir aussi cet article)
Déjà en 2004, Greenpeace publiait un rapport alarmant avec 10000 dauphins tués de cette manière dans l’Atlantique Nord Est en une année, et 300 000 baleines, dauphins et marsouins.
Au niveau mondial, 23% sont rejetés, morts, à la mer.
La pêche accidentelle, c’est la « Volonté de Dieu »
Un bateau arcachonnais, le Voluntas Dei, avait même été pointé du doigt fin aout pour avoir remonté dans ses filets à 2 reprises 2 dauphins dans la même journée. Cette pêche avait été filmée par une équipe de l’ONG Sea Shepherd (le Berger de la mer, en Français) et avait provoqué quelques remous.
Considérées comme des captures «accidentelles» autorisées, et ayant effectué les déclarations légales obligatoires (après avoir été filmé…), ce navire Divin a été autorisé à retourner pêcher où bon lui semble, sans autre formalité.
Annick Girardin, la ministre est donc contre les mesures d’interdiction de pêche, même de deux semaines tournantes et veut d’abord «déterminer la population exacte de mammifères marins évoluant dans le golfe de Gascogne. »
Dès fois qu’il y en aurait trop ? Une manière bien connue d’enterrer le dossier.
Des bateaux-usines pour pêcher toujours plus
Pendant ce temps, l’entreprise France Pélagique (du groupe néerlandais Cornelis Vrolijk…) vient de se doter la semaine dernière à Concarneau (Finistère) d’un chalutier-usine de 81 m de long, le « Scombrus ».
Il peut prélever 200 tonnes de poisson par jour, alors qu’un bateau de moins de 12 mètres remonte autour de quelques tonnes par an…
Des contreparties sur un air de pipeau
La seule contrainte pour calmer le courroux des instances européennes qui demandaient à l’Etat français d’agir, sera donc pour les pêcheurs de respecter une charte de bonne conduite afin de garantir la transparence sur le sujet : l’obligation de baguer et déclarer les dauphins capturés y sera inscrite, de permettre à des scientifiques d’embarquer pour des missions d’observation.
C’est sûr que ça va faire trembler les patrons pêcheurs. On imagine le travail paisible que pourront accomplir, sans pression bien sûr, les courageux scientifiques au milieu d’un équipage de marins affairés à leurs manoeuvres et contrariés par la présence de ces blanc-becs : « Alors pépère on veut aller gouter l’eau et voir les dauphins de près ? »…
Et dans 20 ans…
Au rythme actuel de prélèvement et d’industrialisation de la pêche, les projections prévoient que les dauphins communs du Golfe de Gascogne pourraient disparaître d’ici 20 ans.
Après, il faudra se contenter de regarder les images comme celles filmées dans les passes du Bassin , un ballet aquatique sur l’eau à la mi-juillet
ou sous l’eau, voici deux ans…
Bon dimanche !
Michel Lenoir
Directeur de Publication