L’Edito : Du (nano)plastique dans les huitres… Des tests de l’Ifremer inquiétants !
L’Oeil au Beurre de Lenoir : Quand les nano-plastiques dans l’ocean limitent la reproduction des huitres… Sea, sex and plastic !
14/09/20
Aujourd’hui, il sera question de sexe et spermatozoide…
Mais les lectrices et lecteurs déjà tout émoustillé(e)s vont être déçu(e)s : Nous traiterons scientifiquement de ces petites bestioles qui servent à la reproduction de certaines espèces. Dont notamment de l’huitre.
Parce que Mesdames, Messieurs, l’heure est grave.
Les nano-plastiques perturbent nos huitres
Le doctorant brestois Kevin Tallec et son équipe de l’Ifremer viennent de tirer la sonnette d’alarme. C’est pour dire.
La mobilité des spermatozoïdes du mollusque emblème du Bassin, est affectée par les nanoparticules qui les empêchent de filer comme des torpilles et compromettent sa reproduction.
Voici la différence dans les observations au microscope de spermatozoïdes d’huître non exposés (A, A1, A2) et en dessous (B, B1, B2), après 1h d’exposition à des nano-billes de polystyrène de 50 nanomètres (concentration : 25 µg/mL . (Clichés © Ifremer)
Les flèches blanches montrent l’adhésion de nano-billes sur le spermatozoïde. Inquiétant…
Dans 30 ans, davantage de plastique que de poissons dans les océans…
C’est une tragédie qui s’annonce…
En 2050, selon le rapport de la fondation de la navigatrice Ellen MacArthur, on trouvera plus de plastique que de poissons dans l’océan…
La cuisine va avoir un drôle de goût. Quant à notre santé…
La Confrérie des G.a.n.e.a. va-t-elle réagir à cette attaque de notre patrimoine vivant.
(Les GANEA, ce sont Les gourmands de l’arcachonnaise nacree et de l’ecaille d’argent qui ouvrent les festivités à Cabanes en fêtés à Andernos, avec leurs chapeaux d’un autre age et leurs capes baroques)
Car, diantre, déguster une huitre magnifique dorlotée au banc d’Arguin ou ailleurs dans le Bassin et qui disséminerait dans nos artères des nanoparticules en plastique, invisibles et sournoises n’est pas acceptable pour l’amateur éclairé. Même si le goût n’est pas altéré.
Pourquoi l’huitre avale-t-elle ces cochonneries ?
Parce que c’est une grande filtreuse, comme les coques, les moules et autres délices culinaires. Et que ces composants inférieurs au millième de millimètre, sont le résultat de la décomposition et la défragmentation des déchets plastiques dans l’océan. Le Breton de l’Ifremer lance un joli pavé dans la marre, en mettant en avant les conséquences directes sur les huitres par exemple.
Et ça créé le ramdam parce que l’huître est une fragile sentinelle de l’état de la mer, qui concentre les éléments polluants…
Sensibiliser les décideurs car la reproduction pourrait baisser
Pour faire réagir les décideurs, il faut leur parler économie, business, pognon. Il faut qu’il sache, que dans quelques années, autant dire demain, des huitres à la reproduction naturelle, il pourrait ne plus y en avoir beaucoup.
Explication : La fécondation de l’huître est externe, on le voit en été, ça créé de jolies nappes laiteuses irisées sur le Bassin, tous ces spermatozoïdes et ces ovocytes rejetés par les huitres.
Mais ils se retrouvent dès lors exposés à tous les dangers et donc aussi aux nano-plastiques.
Et là, selon l’étude du Breton publiée fin aout dans le journal « Nanotoxicology », à partir d’une certaine dose, les nano-plastiques les plus toxiques (type polystyrène) induisent une diminution de 79% du pourcentage de spermatozoïdes mobiles.
C’est un génocide.
Et les malheureux survivants subissent une diminution de leur vitesse de nage de 62%, menant à une baisse de leur succès reproducteur de 59%.
Heureusement, tous ces expériences ont été menées en laboratoire, et on peut donc encore continuer à déguster les huitres, les pieds dans l’eau ou à la maison.
Ce serait dommage de s’en priver.
Bon appétit (quand même) !
Michel Lenoir
Directeur de Publication
C’est gratuit
